Motto : Crapula ingenium offuscat. Traduction : "le bec du perroquet qu'il essuie, quoiqu'il soit net" (Pascal).

Ce blog est ouvert pour faire connaître les activités d'un groupe de recherches, le Séminaire de métaphysique d'Aix en Provence (ou SEMa). Créé fin 2004, ce séminaire est un lieu d'échanges et de propositions. Accueilli par l'IHP (EA 3276) à l'Université d'Aix Marseille (AMU), il est animé par Jean-Maurice Monnoyer, bien que ce blog lui-même ait été mis en place par ses étudiants le 4 mai 2013.


Mots-clefs : Métaphysique analytique, Histoire de la philosophie classique, moderne et contemporaine,

Métaphysique de la cognition et de la perception. Méta-esthétique.

Austrian philosophy. Philosophie du réalisme scientifique.

dimanche 24 novembre 2013

Traduction de John Kulvicki : 'Image Structure'. Par Anaïs Lambolez (2013)


[ Nous publions une traduction de l'article important (quoique  
difficile) de John Kulvicki qui est le seul à faire selon nous une critique sévère mais constructive de N. Goodman, en y ajoutant une conception novatrice de la transparence et de la mimesis.
Bien des objections sont levées dans cet article et des réponses inédites sont apportées qui s'appuient sur une base opérationnelle pour comprendre la structure de l'image avec celle de ses kinds — c'est-à-dire des entités sortales qui lui sont corrélatives : pictures, diagrammes, images radar, images audio ]



Structure d'image

 

John Kulvicki


Parmi les systèmes représentationnels, lesquels sont picturaux, et quelles conditions un système représentationnel doit-il satisfaire pour être pictural ? En quoi les systèmes picturaux   sont-ils semblables aux systèmes représentationnels diagrammatiques et linguistiques, par quoi leur sont-ils différents ? Qu'est-ce qui fait de la perspective linéaire un exemple aussi paradigmatique du système pictural ?
Durant les trente dernières années, il y a eu deux approches principales pour répondre à ces questions, dont l'une l'emporte très clairement. Elle demeure le meilleur moyen de comprendre ce qui fait qu’une représentation peut être dite picturale en termes de faits relatifs à la façon dont on la perçoit, en raison des expériences qu’elle est disposée à susciter, etc.[i] Les explications perceptuelles sont une façon assez plausible de traiter les questions exposées ci-dessus, et celles à venir, pour un certain nombre de motifs. Premièrement, les systèmes représentationnels sont des artefacts humains qui partagent indubitablement des relations significatives avec leur auteur. Deuxièmement, les images sont bien des sortes de représentations enrichies par leur perception. Evidemment, nous percevons toutes les représentations que nous rencontrons, picturales ou autres, mais intuitivement on pense que ce que sont les images dépend essentiellement de la façon dont on peut les percevoir. Il y a plusieurs faits intéressants concernant la perception des images, et les théoriciens perceptualistes tentent de montrer que ce qu’une représentation picturale est peut être défini, du moins en partie, relativement à ces mêmes faits.
 En outre, les explications perceptuelles ont tendance à prendre au moins certains des  traits caractéristiques (features) des images tantôt comme explananda, tantôt comme explanans[ii]. Les images sont une forme de représentation essentiellement visuelle en ceci que les images doivent être vues pour être comprises et qu'on ne peut jamais dépeindre que ce qui peut être vu. De plus, tout ce qui est dépeint l'est depuis un certain point de vue, bien qu'il puisse être souvent difficile de déterminer ce dernier. Troisièmement, les contenus des images sont nécessairement extrêmement déterminés, d'autant plus lorsqu'on les compare avec les contenus de descriptions et autres sortes de représentations linguistiques. Par exemple, bien qu'on puisse décrire un objet comme étant carré sans rien dire de plus déterminé à son sujet, toute dépiction d'un objet comme étant carré le dépeint souvent aussi comme ayant une couleur, une luminosité, une orientation vis-à-vis d'autres objets, etc. Et quatrièmement, il y a une relation étroite entre la capacité à reconnaître et identifier un objet et celle qui permet de comprendre les images de cet objet. Cette relation est souvent expliquée en termes de similarité des expériences provoquées par les images et leurs objets : des similarités expérimentées entre les images et leurs objets, ou bien par une mobilisation des mêmes ressources perceptuelles en identifiant les images et leurs objets.
 Une approche alternative, celle privilégiée ici, cherche à différencier le cas pictural des autres représentations en termes de caractéristiques structurelles des systèmes auxquels elles appartiennent. Ce qui est crucial pour comprendre ce que sont les images, selon cette approche, est de savoir comment les images sont reliées entre elles syntaxiquement et sémantiquement dans un système. Nelson Goodman en fut le principal partisan : pourtant, bien que son travail ait alimenté beaucoup de discussions, il trouva peu d'adeptes[iii]. Une raison importante à cela est que sa théorie échoue à capturer et à s'accommoder à nos intuitions concernant ce que sont les images, comme les explications perceptuelles y parviennent. Puisque les explications structurelles ne s'articulent pas en termes de faits perceptuels, elles ne convoquent pas directement nos intuitions quant à la perception des images, et cela concerne particulièrement celle de Goodman, qui classe beaucoup de systèmes comme étant picturaux malgré de fortes contre-intuitions. Par ailleurs, Goodman était résolument opposé à l'affirmation intuitivement séduisante qui veut que similarité et ressemblance jouent un rôle sémantiquement significatif dans la représentation picturale.
 En revanche, aucune invraisemblance associée à l'explication de Goodman ne devrait être comprise comme une justification des approches perceptuelles à ce problème. Dans la mesure où de telles explications se concentrent sur la perception des images, elles risquent d'omettre la possibilité que les images et les pictures[iv] puissent constituer une forme structurelle intéressante de système représentationnel. Il s'ensuit quatre conditions structurelles nécessaires et suffisantes pour qu'un système représentationnel soit pictural : saturation relative, sensibilité syntaxique relative, richesse sémantique, et transparence. Ces conditions ne caractérisent pas seulement les systèmes picturaux ; plus généralement, elles servent aussi de cadre dans lequel les systèmes représentationnels peuvent être distingués structurellement les uns des autres. Une telle explication embrasse des intuitions concernant les systèmes représentationnels picturaux d'une façon plus satisfaisante que ne le fait Goodman, en y incluant la façon dont la similarité peut être pertinente pour la sémantique des images. En dépit de ce que cette explication conclut qu'être une image a très peu à voir avec la manière dont on peut percevoir une représentation, que les images ne sont pas une forme de représentation essentiellement visuelle (nous utilisons en effet des images audio tous les jours), que les images n'ont pas besoin de dépeindre à partir d'un point de vue, et que les images dépeignent en fait des états de chose assez indéterminés, cette explication reste tout à fait plausible.
 Appréhender le sujet de cette façon a l’avantage d’offrir une nouvelle perspective sur le fait que les images semblent avoir une identité sortale perceptuelle très spécifique. Si nous pouvons comprendre le fait d'être une représentation picturale indépendamment de la manière dont une telle représentation est perçue, alors nous devons nous demander pourquoi cette identité sortale structurelle semble former une espèce perceptuelle aussi spécifique. Une réponse séduisante est que nos systèmes perceptuels utilisent des espèces sortales de représentations structurellement similaires. En neuroscience cognitive et en philosophie de la psychologie, il est d'opinion commune que les systèmes visuels, auditifs et somatosensoriels, utilisent des représentations "imagistiques" (imagistic representations). Sans une explication de ce qui fait qu'une représentation est une image, de telles affirmations ne peuvent tout simplement pas entrer en ligne de compte. En outre, les explications perceptuelles de ce qui fait qu'une représentation est une image sont, dans ce contexte, sans aucune portée, puisqu'elles utilisent les faits perceptuels comme explanans. Etant admis que nous ne percevons pas nos états mentaux dans des circonstances normales, il ne s'agit pas de faits relatifs à la façon dont on les perçoit qui les rendraient "imagistiques", d'où nôtre intérêt pour une approche structurelle des images.


I. Les systèmes représentationnels et les propriétés syntaxiquement pertinentes.

 Afin de fournir les conditions structurelles qui distinguent les systèmes représentationnels picturaux, il est important d'avoir une explication générale de ce qu'est un système représentationnel. Dans chaque système il y a un ensemble d'objets physiques possibles qui comptent comme des représentations de marques ou d'occurrences (token representations). Ces objets sont regroupés sous des types orthographiques et sous des types syntaxiques. En général, si deux objets diffèrent syntaxiquement, alors ils diffèrent orthographiquement. Les cas d'ambiguïté authentique — par exemple les mots "banque", "minute", et "stylo" — sont des types orthographiques assignés à plus d'un type syntaxique tandis que chaque type syntaxique est assigné à un type sémantique différent. En langage formalisé, toute différence dans la syntaxe est marquée par des différences orthographiques, et, par souci de simplification, j'affirme que dans les systèmes représentationnels les différences de type orthographique correspondent généralement aux différences de type syntaxique. Les complications introduites par les cas d'ambiguïté ne sont pas importantes au vu des objectifs de cet article. Enfin, toutes les représentations syntaxiquement identiques sont sémantiquement identiques, bien que (à l'inverse) les représentations sémantiquement identiques n'aient pas besoin de l'être syntaxiquement. 
 Admettons que les propriétés syntaxiquement pertinentes des marques ou occurrences (token) d'un certain système de représentation soient ces propriétés sur lesquelles se fondent les identités syntaxiques/orthographiques. Changer l'identité syntaxique d'une marque requiert une modification des instanciations de ses propriétés syntaxiquement pertinentes, bien qu'on puisse changer les propriétés syntaxiquement pertinentes d'une marque sans affecter son identité syntaxique. La forme, par exemple, est une propriété syntaxiquement pertinente pour la plupart des alphabets. On peut changer la forme d'une lettre sans altérer son identité syntaxique, mais si on veut changer l'identité syntaxique d'une lettre, on doit modifier sa forme. Par exemple, deux marques d'une certaine lettre tracée par deux mains différentes sont très différentes du point de vue de l'instanciation de leurs propriétés syntaxiquement pertinentes. Pourtant, plusieurs propriétés de inscription d'une lettre, comme sa masse et sa composition chimique, ne sont pas syntaxiquement pertinentes, puisque de telles propriétés n'ont rien à voir avec son identité syntaxique. Les propriétés syntaxiquement pertinentes sont les conditions préalables nécessaires pour les applications possibles des différentes propriétés d'un ordre supérieur, comme le fait déjà d'avoir un certain type syntaxique. Pour les images, la forme et la couleur de chaque parcelle de la surface de l'image sont importantes. Tout changement au niveau de telles propriétés peut entraîner une modification de l'identité syntaxique de l'image[v].
 Une caractérisation complète des propriétés syntaxiquement pertinentes d'un système est un ensemble de propriétés en nombre suffisant pour constituer une base de survenance pour les identités syntaxiques de toutes les marques possibles du système. Pour un alphabet, l'ensemble des formes déterminées dans le plan est une caractérisation complète des propriétés syntaxiquement pertinentes, puisque l'identité de toute marque de lettre survient sur sa forme. Les caractérisations incomplètes de propriétés syntaxiquement pertinentes sont celles qui sont insuffisantes selon la définition indiquée ci-dessus. Par exemple, être carré, être circulaire, et avoir des angles n'est pas une caractérisation complète pour un alphabet puisque les représentations des marques pourraient se référer à ces propriétés d'une certaine manière, sans s'y référer syntaxiquement. Ainsi, une caractérisation complète des propriétés syntaxiquement pertinentes contient "juste" assez de propriétés pour constituer une base de survenance, car si un ensemble de propriétés compte comme une base de survenance, alors cet ensemble s'élargit avec n'importe quelle autre propriété. Dans la mesure où les ensembles en question sont supposés inclure uniquement les propriétés syntaxiquement pertinentes, il est préférable d'éviter les ensembles qui incluent plus de propriétés que nécessaire pour former une base de survenance. Enfin, les caractérisations complètes des propriétés syntaxiquement pertinentes d'un système sont généralement des ensembles très larges : il y a, par exemple, d'innombrables formes déterminées par leur seule projection dans le plan.
  De plus, puisque les propriétés syntaxiquement pertinentes sont des bases de survenance et puisque la survenance est une relation transitive, n'importe quel système représentationnel comprend plusieurs caractérisations complètes. Si des propriétés s'avèrent être nécessaires et suffisantes pour qu'une représentation de marque instancie un type syntaxique particulier dans un certain système, alors il y a une caractérisation des propriétés syntaxiquement pertinentes de ce système telle que toute modification de propriété change l'identité syntaxique de la marque. D'un autre côté, dans de tels cas, il pourrait y avoir d'autres caractérisations parfaitement adéquates des propriétés syntaxiquement pertinentes telles que n'importe quel changement de celles-ci n'entraîne pas un changement d'identité syntaxique. Deux des conditions à venir comparent les systèmes représentationnels selon leurs propriétés syntaxiquement pertinentes, mais, parce qu'il y a plusieurs caractérisations des propriétés syntaxiquement pertinentes de tout système, les comparaisons sont faites relativement aux caractérisations que partagent certains des membres. Si on ne peut caractériser les propriétés syntaxiquement pertinentes de deux systèmes représentationnels d'une façon telle qu'ils partagent quelques-uns de ces membres, alors ces systèmes ne sont pas directement comparables selon les conditions présentées ci-dessous.


II. Saturation relative

 La première condition qui distingue les images des autres sortes de systèmes représentationnels est une version remaniée et améliorée de celle de Goodman : la saturation relative. L'idée générale de saturation est qu'il y a plus de propriétés pertinentes des représentations de marque comptant pour l'identité syntaxique dans certains systèmes plutôt que dans d'autres. Goodman a tenté d'expliciter cette idée de la façon, problématique, suivante.[vi] Un système représentationnel A est plus saturé qu'un système représentationnel B seulement s'il y a des caractérisations complètes des propriétés syntaxiquement pertinentes de A et de B, respectivement SA et SB, tels que SB est proprement inclut dans SA. Un bon exemple de Goodman est la distinction entre diagrammes et images : il y a plus de propriétés pertinentes pour l'identité d'une image qu'il n'y en a pour l'identité d'un diagramme. Dans les diagrammes, les formes des lignes dans les espaces à coordonnées géométriques sont des propriétés syntaxiquement pertinentes, mais souvent, la couleur du plan et l'épaisseur des lignes ne sont pas pertinentes, tandis que pour les systèmes picturaux ces mêmes propriétés sont toutes pertinentes. Les images diffèrent des représentations linguistiques d'une façon similaire. Puisque les caractérisations des propriétés syntaxiquement pertinentes des systèmes diagrammatiques et linguistiques sont proprement incluses dans les caractérisations des propriétés syntaxiquement pertinentes des systèmes picturaux, les systèmes picturaux sont les plus saturés d'entre eux.
 Pourtant, la tentative de Goodman d'expliciter la notion intuitive de saturation reste problématique, particulièrement lorsqu'elle est formulée en termes de propriétés syntaxiquement pertinentes. Considérons le cas où l'intersection de SA et de SB  n'est identique ni à SA ni à SB, mais où l'intersection est plus importante pour un ensemble que pour l'autre. Dans un tel cas, il est toujours raisonnable de caractériser l'un des systèmes comme étant plus saturé que l'autre. Pourtant, selon la version de Goodman, aucun des systèmes n'est plus saturé que l'autre, car aucun des ensembles de propriétés syntaxiquement pertinentes n'est proprement un sous-ensemble de l'autre. Ceci suggère que la saturation ne devrait pas exiger quelque chose d'aussi restreint que l'inclusion propre d'un ensemble de propriétés syntaxiquement pertinentes dans l'autre. En revanche, Goodman a eu raison d'insister sur le fait que les systèmes ainsi comparés ont quelque chose en commun, c'est-à-dire, que certaines propriétés syntaxiquement pertinentes devraient à la fois appartenir à SA et à SB. En d'autres termes, SA SB ne devrait pas être vide. Enfin, j'ai fait la remarque plus haut que les caractérisations complètes des propriétés syntaxiquement pertinentes d'un système sont souvent de très larges ensembles. Si la saturation doit embrasser l'idée intuitive qu'un système détient plus de propriétés syntaxiquement pertinentes qu'un autre, alors il devrait en être de même pour deux systèmes ayant un nombre infini de propriétés syntaxiquement pertinentes. Ainsi, le système représentationnel A est plus saturé que le système B seulement si :

           (i)         SA SB n'est pas vide, et
         (ii)         La cardinalité de Sa  moins (SA SB) est plus grande que celle de SB  moins (SA SB)

 La condition (i) exige seulement que les systèmes comparés soient caractérisables et caractérisés de façon à partager des propriétés syntaxiquement pertinentes. Comparer des phonographes avec des diagrammes est absurde, bien qu'il y ait un sens à comparer des photographies avec des diagrammes puisque nous pouvons comparer ces derniers en des termes comparables. La seconde condition traduit l'idée intuitive que le système le plus saturé est celui dans lequel davantage de propriétés de marques sont pertinentes pour leurs identités syntaxiques. C'est un peu compliqué pour deux raisons. Premièrement, nous avons vu plus haut que l'inclusion propre d'un ensemble dans un autre ne fonctionne pas, et deuxièmement, puisque certains systèmes représentationnels ont un nombre infini de propriétés syntaxiquement pertinentes, une comparaison directe des grandeurs de SA et de SB ne fonctionne pas non plus. D'autre part, si SA SB est elle-même infiniment grande, alors seulement un nombre fini des membres demeure lorsque SA SB est soustraite de SA et de SB. Ce qui reste du système peut avoir une plus grande cardinalité que l'autre système, même si ce n'est pas vrai à proprement parlé pour SA et SB.
 Par exemple, imaginons deux systèmes incluant un nombre infini d'aspects déterminés du plan parmi leurs propriétés syntaxiquement pertinentes. L'un des systèmes inclut aussi parmi ses propriétés syntaxiquement pertinentes le fait d'être rouge et d'être vert, tandis que l'autre inclut le fait d'être orange, mais ni le fait d'être rouge ni le fait d'être vert. C'est dans l'esprit de la notion de saturation relative de classer le système qui inclut deux couleurs comme étant plus saturé que l'autre, qui n'en inclut qu'une, sans quoi ils seraient identiques. Selon Goodman, aucun des systèmes n'est plus saturé que l'autre, puisqu'aucun ensemble de propriétés syntaxiquement pertinentes n'est un sous-ensemble de l'autre. De plus, chaque ensemble de propriétés syntaxiquement pertinentes ayant la même cardinalité, il est par conséquent inutile de comparer SA et SB directement. Cependant, les cardinalités des ensembles restants comme dans (ii) ci-dessus, sont différentes : la cardinalité relative au système qui a deux couleurs syntaxiquement pertinentes est plus grande que pour celui qui n'en a qu'une. Si SA et SB ont tous deux un nombre infini d'éléments qu'ils ne partagent pas, alors il est parfaitement sensé de dire qu'aucun n'est plus saturé que l'autre. Cette explication de la saturation respecte ainsi la notion intuitive mieux que ne le fait Goodman.


III. Sensibilité syntaxique

 Avec une telle explication des propriétés syntaxiquement pertinentes et de la saturation relative, la question suivante est légitime et non triviale. Quelles sont les modifications de propriétés syntaxiquement pertinentes à apporter sur une marque dans un certain système représentationnel qui suffise à changer son identité syntaxique?[vii] Les propriétés syntaxiquement pertinentes sont des bases de survenance pour les identités syntaxiques des représentations de marques : elles peuvent donc changer, bien que l'identité syntaxique de la marque ne change pas. Par exemple, ôter les empâtements ou faire d'autres petites modifications de la forme d'une inscription de lettre n'altère pas son identité syntaxique, bien que chaque modification constitue un changement des propriétés syntaxiquement pertinentes que la lettre instancie. D'autre part, les identités syntaxiques des images sont moins tolérantes aux changements de propriétés syntaxiquement pertinentes, nous pouvons donc dire que les images sont plus sensibles à de tels changements. Les systèmes représentationnels diffèrent les uns des autres en termes de la sensibilité des identités syntaxiques de leurs marques (token) aux changements de propriétés syntaxiquement pertinentes. En général, un système représentationnel est syntaxiquement plus sensible qu'un autre si et seulement si les modifications des propriétés syntaxiquement pertinentes qui suffisent à modifier l'identité syntaxique du second sont proprement incluses dans celles qui suffisent à modifier d'identité syntaxique du premier. Plus un système est sensible, moins les identités syntaxiques de ses représentations de marques sont tolérantes aux changements de propriétés syntaxiquement pertinentes. (Voir la Figure 1.)
  Comment compare-t-on deux systèmes en vertu de leur sensibilité? En premier lieu, il faut noter que comparer deux systèmes, A et B, selon leur sensibilité syntaxique concerne les propriétés syntaxiquement pertinentes que les deux systèmes ont en commun, c'est-à-dire, celles incluses dans l'ensemble SASB.[viii] Une fois les systèmes correctement caractérisés, imaginons que l'on regroupe dans chaque système les ensembles des représentations possibles selon leur type syntaxique, et que pour chaque marque (token) on génère un ensemble de propriétés syntaxiquement pertinentes qu'il lui arrive de posséder. Le système le moins sensible est celui avec le plus grand nombre de marques syntaxiquement identiques mais qui ont des instanciations de propriétés syntaxiquement pertinentes différentes, appartenant, pour chaque type syntaxique, à SASB. Ainsi, dans le système le moins sensible, chaque type syntaxique tolère moins de variation dans les instanciations de propriétés syntaxiquement pertinentes que dans le système plus sensible. Cette stratégie laisse entrevoir la possibilité qu'il soit assez difficile de dire, pour quelques paires de systèmes représentationnels, lequel est le plus sensible syntaxiquement ; et cependant, l'explication de la sensibilité suscitée suffit à distinguer grossièrement images, diagrammes, et langages.
 Il est à noter que si chaque type syntaxique d'un système représentationnel détient essentiellement certains traits (features), alors il y a une caractérisation des propriétés syntaxiquement pertinentes de ce système telle que tout changement à leur égard entraîne un changement de l'identité syntaxique de la marque en question. Par ailleurs, il est raisonnable de penser qu'il y ait, pour au moins quelques systèmes représentationnels, des caractéristiques essentielles des types syntaxiques qui soient disjonctives ou vagues, même si ces caractéristiques sont difficiles à expliciter. Par exemple, on pourrait probablement parvenir à articuler les conditions nécessaires et suffisantes pour qu'une lettre soit un "A" bien qu'une telle caractérisation puisse être compliquée ou disjonctive.






Figure 1. La Sensibilité Syntaxique. La transformation de la lettre ci-dessus n’affecte pas son identité syntaxique. Une transformation similaire de l’image (d’une inscription d’une lettre) affecte son identité syntaxique. Le système pictural est plus sensible que l’alphabet.


Faisons de même pour toutes les autres lettres, en incluant seulement ces propriétés compliquées et disjonctives dans l'ensemble des propriétés syntaxiquement pertinentes; il en résulte une caractérisation complète des propriétés syntaxiquement pertinentes du système, telle que tout changement ainsi caractérisé en elles entraîne un changement de l'identité syntaxique de la marque (token). Cela signifie-t-il que les systèmes représentationnels sont tous autant qu'ils sont syntaxiquement sensibles? Nullement. Le jugement de sensibilité syntaxique relative se fonde sur les caractérisations des propriétés syntaxiquement pertinentes des systèmes, lesquels doivent avoir certains membres en commun, et selon les propriétés syntaxiquement pertinentes qu'ils partagent vraiment : c'est-à-dire les membres de l'ensemble SA SB. On peut donc faire plusieurs comparaisons selon la sensibilité de n'importe quelle paire de systèmes représentationnels. Il est probable que si deux systèmes représentationnels sont tels qu'au moins une paire des caractérisations de leurs propriétés syntaxiquement pertinentes soit une intersection non nulle, alors on peut trouver d'autres caractérisations qui ont aussi des membres en commun. Ce qui est important pour la sensibilité syntaxique est qu'il y ait une caractérisation des propriétés syntaxiquement pertinentes pour chaque système telle qu'ils partagent certains de leurs membres et qu'ainsi, comme expliqué plus haut, il soit plus sensible que l'autre.
 La sensibilité est une notion qui permet de différencier les images des langages, bien qu'elle ne permette pas de différencier les images des diagrammes. Les diagrammes sont très proches des images en fonction de leur sensibilité, puisque changer la forme d'une courbe d'un graphique, même petite, engendre un diagramme différent. Bien que peu de propriétés tendent à être pertinentes pour l'identité d'un diagramme comme elles le sont pour l'identité d'une image, l'identité d'un diagramme est tout autant sensible aux changements des propriétés qui importent. Les images et les diagrammes diffèrent en regard de la saturation mais non de la sensibilité, tandis que les images diffèrent des langages à la fois en regard de la saturation et de la sensibilité.


IV. Richesse sémantique

 En plus de la sensibilité et de la saturation, une condition simple mais importante que la plupart des systèmes représentationnels satisfont est la richesse sémantique. Pour expliquer cela, notons qu'il pourrait y avoir un système représentationnel syntaxiquement très sensible et saturé qui distribue seulement une poignée de dénotations parmi ses types syntaxiques possibles. Par exemple, on pourrait prendre le système qui comprend toutes les images en perspective linéaire, et néanmoins dire que chaque photographie représente seulement une des quelques scènes possibles. Malgré l'ensemble riche des types syntaxiques de ce système, chaque type comprend seulement l'une des quelques dénotations possibles qui lui sont assignées. Qu'importe la façon dont on décide d'attribuer ces dénotations, le système n'est pas pictural dans le sens où la richesse de la syntaxe ne coïncide pas avec une richesse sémantique. La richesse sémantique traduit cette idée. Un système représentationnel est sémantiquement riche lorsqu'il y a au moins autant de dénotations possibles que de types syntaxiques dans un système. Les langages, les diagrammes, et les images satisfont cette condition générale et grossière, par conséquent cela ne distingue pas les images de ces autres formes de représentation. Tandis que beaucoup de dénotations sont désignées par des mots syntaxiquement différents dans une langue, le nombre de dénotations possibles est au moins aussi grand que le nombre de types syntaxiques. En général, les systèmes avec une syntaxe très riche ne sont pas idéalement appropriés pour représenter des classes délimitées d'objets. Par conséquent, tandis que les systèmes représentationnels sont généralement sémantiquement riches, cela peut n'être pas toujours le cas.
 Un exemple intéressant où la richesse sémantique est manquante est l'art iconique — un sujet compliqué que je ne peux que mentionner ici. Dans l'art iconique, il y a au moins deux façons où on différencie sémantiquement les représentations, l'une est riche, l'autre ne l'est pas. On peut considérer une icône simplement comme une image, dans le cas où la sémantique qui lui est associée est riche. Par ailleurs, en assignant l'image à une espèce iconique, on lui assigne l'une des dénotations possibles tout à fait limitées, par exemple, une scène ou une autre de la vie des saints. En ce sens, l'art iconique utilise à la fois des systèmes sémantiques riches et des systèmes sémantiques pauvres. Notons aussi que le choix d' "icônes" pour désigner les petits pictogrammes du bureau d'un ordinateur est tout à fait approprié. Il y a un sens dans lequel ils sont picturaux, en dépeignant des fichiers, des corbeilles, etc., mais leur utilité dépend du fait qu'ils choisissent un objet et un seul parmi une classe très délimitée d'objets.


V. Analogique versus digital

 Il est commun dans les discussions sur ce qui différencie les images des entités linguistiques de se concentrer sur le fait que les images sont des représentations analogiques, tandis que les systèmes représentationnels linguistiques, et autres systèmes symboliques, sont digitaux. En plus de la saturation relative, Goodman n'introduit que deux conditions supplémentaires — la densité sémantique et syntaxique — qui visent à cerner l'idée que les images sont analogiques[ix]. Pour Goodman, l'analogicité et la saturation relative capturent pleinement la structure des représentations picturales. De prime abord, le problème est que de très nombreuses représentations issues des journaux, de la télévision, etc., semblent être digitales. De plus, il est excessif d'affirmer que de telles représentations digitales sont seulement picturales dans la mesure où on les interprète comme étant des représentations analogiques[x]. Pouvoir se passer de la densité dépend, bien entendu, de la capacité des différentes distinctions à atteindre les mêmes buts. Sensibilité et richesse réalisent justement cela. Contrairement à l'explication de Goodman, saturation, sensibilité et richesse s'accommodent aisément de l'affirmation qu'il y a des systèmes représentationnels picturaux authentiquement digitaux, en plus de suggérer une place propre à la distinction analogique/digital dans la compréhension de la structure des systèmes représentationnels.
 Tous les systèmes représentationnels picturaux sont relativement saturés, syntaxiquement sensibles, et sémantiquement riches. Les systèmes digitaux qui semblent picturaux satisfont aussi ces conditions, et ils devraient de plus compter parmi les systèmes picturaux. D'autre part, ces conditions rendent difficiles la comparaison entre systèmes digitaux et analogiques vis-à-vis de la saturation et, plus spécifiquement, de la sensibilité. Les systèmes analogiques sont généralement plus sensibles que les systèmes digitaux, parce que les systèmes digitaux sont habituellement désignés ainsi pour que les marques de chaque type syntaxique soient à la fois faciles à produire et à reconnaître[xi]. Pour que les inscriptions d'un certain type syntaxique soient faciles à produire, elles ne doivent pas être très sensibles aux variations de leurs propriétés syntaxiquement pertinentes. Ce qui est exposé ci-dessus ne doit pourtant pas remettre en question l'affirmation que les images digitales sont plus sensibles aux changements de leurs propriétés syntaxiquement pertinentes que les lettres. Ce qui suggère que parmi les systèmes représentationnels analogiques, ceux qui sont picturaux sont excessivement saturés, sensibles, et riches, tandis que, de la même façon, parmi les systèmes digitaux, ceux qui sont picturaux sont excessivement saturés, sensibles, et riches. La distinction analogique/digital trie les systèmes représentationnels en autant de classes comparatives (comparison classes), d'après lesquelles on peut énoncer des jugements sur la saturation, la sensibilité et la richesse.
 Bien que la saturation, la sensibilité et la richesse, constituent plausiblement les conditions nécessaires pour qu'un système représentationnel soit pictural, elles ne sont pas suffisantes, et deux exemples suffiront à le montrer. Le premier, que l'on doit à Wollheim, est un système pictural (picture scheme), comme la perspective linéaire, hormis le fait que les images résultant de la projection   en perspective sont divisées en plusieurs parties et réorganisées selon certaines règles[xii]. Remanier systématiquement les images n'a aucun effet sur leur sensibilité et leur saturation syntaxiques, ni sur leur richesse sémantique. D’autre part, ce système n’est pas pictural, du moins intuitivement, et plus les parties des images sont fracturées, plus forte est l’intuition que le système n’est pas pictural. Le second exemple, discuté autant par Wollheim que Goodman, est un système pictural comme la perspective linéaire dans lequel les couleurs sont remplacées par leurs complémentaires[xiii]. Dans ce système, les images de pelouse verte sont rouges, et les images de ciel bleu sont jaunes. Les intuitions à propos de tels systèmes sont certainement multiples, avec quelque espoir, comme le caresse Goodman, de les classer comme étant picturaux, tandis que d’autres, comme Wollheim, répugnent à le faire. Ce qui est incontestable est l’intuition qu’il y a quelque chose d’étrange à propos de la façon dont ce système pictural représente présomptivement la couleur, et que cela entraîne la question de savoir si le système est pictural « tout court ». Ce système, comme le système fracturé  (shuffled up system), est tout aussi saturé, syntaxiquement sensible, et sémantiquement riche que celui en perspective linéaire, dont personne ne nie la picturalité.
 Ces deux exemples suggèrent que nous avons besoin d'étudier davantage ce qui distingue les systèmes représentationnels picturaux de ceux qui ne le sont pas. Sur ce point, il est tentant d’en appeler à une condition définie en termes de faits perceptuels[xiv]. Cette approche est éminemment plausible en considérant que ce qui fait que les cas suscités semblent non picturaux est qu’on ne peut pas s’engager visuellement envers elles de la même façon que nous le faisons avec des images d’une sorte plus familière. Malgré sa plausibilité, le but ici est de supprimer les explications des représentations picturales en termes perceptuels. Ce qui suit, par conséquent, est une condition supplémentaire structurelle, la transparence qui restreint de manière effective la classe des systèmes syntaxiquement sensibles, relativement saturés, et sémantiquement riches en une classe qui inclut exclusivement tous les systèmes picturaux. Ceci montre qu’une explication structurelle peut classer les systèmes picturaux d’une manière intuitivement plausible sans faire référence à la perception.


VII. Transparence

La meilleure façon de saisir la transparence est d'examiner un système représentationnel familier qui l’exhibe et qui est par ailleurs connu pour être un exemple paradigmatique de système représentationnel pictural : la perspective linéaire. Pour le présent exposé, la perspective linéaire est un système de représentation dans lequel les images sont créées de la manière suivante. Considérons un point, appelé le point projection, et une section délimitée d’un plan. Appelons le plan, le plan image, et la section tronquée de celui-ci, l’image. Le point projection peut être n’importe où à condition qu'il soit dans le plan image. On projette des rayons depuis le point, traversant l’image, jusqu’à ce qui se trouve au-delà. Prenons le premier objet qu’une partie des rayons projetés rencontre et traçons la région correspondante sur le plan de la même couleur que la région correspondante de l’objet depuis un point de vue déterminé par le point projection. Faisons de même pour tous les autres rayons, depuis le point projection jusqu'à la section délimitée du plan pour produire une image en perspective linéaire (IPL)[xv]. (Voir la figure 2)






Figure 2. La Perspective Linéaire. Projetons les rayons issus de P traversant un plan jusqu'à un objet. Colorons le plan image de sorte que la couleur de chaque région de l'objet frappée par le faisceau de rayons issu de P coïncide avec l'image qui se trouve dans la région intersectée par ce faisceau lumineux.



 Les représentations en perspective  linéaire sont des exemples paradigmatiques d’images et, plus spécifiquement, des images extrêmement réalistes. De plus, la perspective linéaire est un système représentationnel transparent, ce qui signifie que les représentations sont structurées de telle sorte qu’elles représentent une autre image d’une façon très remarquable.

Transparence : Un système représentationnel S est transparent seulement si pour toute représentation d’une marque, R, dans S, toute représentation de R en S est de même type syntaxique que R.

 Grosso modo, étant donnée une représentation d’un objet X, le résultat de l'itération du processus par lequel on obtient la représentation de X est une autre représentation, similaire à la représentation originale de X, et ayant la même identité syntaxique. Imaginons le cas d'une photographie très nette d'une autre image. Aussi longtemps que le plan photographique et le plan de l’image sont parallèles, la photographie ainsi obtenue est identique à l’image originale vis-à-vis des formes et des couleurs déterminées de toutes les régions de la surface de l’image[xvi]. La photographie est un exemple intéressant, pas seulement parce que c’est la façon la plus commune dont on produit des images, mais aussi parce que les photographies correspondent approximativement à des IPL. (Voir la Figure 3).






Figure 3.  La Transparence, le Cas Particulier. L'image de l'image de A est syntaxiquement identique à l'image de A. Dans ce cas, deux plans images sont parallèles, donc l'image de A est une copie de l'image de A vis-à-vis des formes et des couleurs des régions de sa surface.



Bien que l’exemple précédent soit suffisamment intuitif, il ne suffit pas à montrer que la perspective linéaire soit vraiment transparente. La transparence comme définie plus haut requiert que toute image d’une autre image en perspective linéaire soit du même type syntaxique que l’originale, et nous devons aller plus loin dans l'explication pour montrer que c’est bien le cas. Il n’est certainement pas nécessaire que deux plans images soient parallèles pour qu’une image compte comme image d’une autre image, et le meilleur moyen pour comprendre ce que requiert la transparence est simplement d'examiner la façon dont la perspective linéaire la satisfait.
 La transparence traite de l’identité syntaxique, et puisque l’identité syntaxique survient sur les propriétés syntaxiquement pertinentes des représentations, une caractérisation complète des propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire peut aider à montrer à quels égards le système est transparent. Soit une caractérisation complète des propriétés syntaxiquement pertinentes d’un système, si deux représentations d'une marque sont identiques selon ces propriétés, alors elles sont identiques syntaxiquement. Par conséquent, si on produit une image d’une autre image en perspective linéaire telle que l’image qui en résulte partage toutes les propriétés syntaxiquement pertinentes avec l’originale, alors la perspective linéaire est transparente. Une bonne façon de caractériser les propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire est de se concentrer sur les formes planes déterminées et sur les couleurs déterminées. Que cela suffise comme base de survenance pour l’identité syntaxique de toute image en perspective linéaire signifie qu’une fois qu’on a déterminé les formes et les couleurs déterminables de toutes les régions d’un plan, on a fait tout ce dont on a besoin pour déterminer l’identité syntaxique picturale de ce plan. Les autres propriétés du plan, comme sa masse et sa température, ne sont pas pertinentes pour son identité en tant qu’image.
 Lorsque nous produisons une image de cette image en perspective linéaire, comme le cas spécifique exposé ici, celle-ci partage toutes les formes et les couleurs déterminées avec son objet : il est alors impossible de la distinguer, en tant qu’image, de son objet. Ainsi, dans certaines circonstances – c’est-à-dire, celles où les plans de l’image sont parallèles – produire une image d’une image en perspective linéaire engendre une image avec des formes et des couleurs semblables à son objet, et donc syntaxiquement identiques à l’originale.
Pourtant, puisque rien dans la perspective linéaire ne requiert que les deux plans soient parallèles, il y a des cas où une image d’une image n’a pas exactement les mêmes formes et couleurs que l’originale. Cela ne contrarie pas l’affirmation selon laquelle la perspective linéaire est transparente, mais c’est un défi de taille à relever pour cette dernière. Tandis que la classe des formes et des couleurs déterminées est une caractérisation complète des propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire, il n'est pas nécessaire que tout changement des propriétés syntaxiquement pertinentes ainsi caractérisées engendre une image syntaxiquement distincte. Les images qui diffèrent vis-à-vis de leurs formes et couleurs déterminées devraient néanmoins être identiques syntaxiquement. Pour établir la transparence, nous avons besoin d’une caractérisation des propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire telle que tout changement en elles ainsi caractérisé entraîne une image syntaxiquement distincte. Après tout, la transparence est une condition qui implique l’identité syntaxique, et bien que la perspective linéaire soit un système syntaxiquement assez sensible, il n’est pas nécessairement sensible au plus haut degré eu égard à toutes les caractérisations de ses propriétés syntaxiquement pertinentes.
 Il s’avère qu’il y a bien une caractérisation plausible des propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire telle que toute image d’une image, mise en perspective linéaire soit syntaxiquement identique à son objet. Pour comprendre cela, notons en premier lieu que la perspective linéaire est un système projectif et qu’il y a des résultats bien connus en géométrie projective concernant les invariants issus des transformations projectives. Les points correspondent aux points, les lignes aux lignes, les sections coniques aux sections coniques, etc[xvii]. Ensuite, une caractérisation plausible des propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire est l’ensemble des propriétés qui sont invariantes sous ces transformations projectives. Puisque les invariants projectifs impliquent strictement parlant exclusivement les caractéristiques géométriques de la scène dépeinte, nous avons besoin d’inclure aussi les couleurs déterminées dans la caractérisation. Si cette caractérisation des propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire est valable, et si produire une image d’une image en perspective linéaire est simplement appliquer la projection perspective à une image, alors une image d’une image est du même type syntaxique que l’image originale. Les plans reliés par une application en perspective linéaire partagent par définition les invariants dans ce même champ d'application. De plus, les invariants projectifs et les couleurs déterminées surviennent sur les formes et couleurs déterminées. Par conséquent, adopter cette proposition n'entraîne pas l'abandon de l’affirmation que les formes et couleurs déterminées sont aussi des propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire. Enfin, bien qu’on puisse changer les formes et couleurs déterminées d’une image en perspective linéaire tout en laissant ses invariants projectifs inchangés, la perspective linéaire reste syntaxiquement sensible, comme tous les systèmes picturaux devraient l’être. On ne peut pas modifier n’importe comment les formes et couleurs déterminées d’un plan image et s’attendre à préserver ses invariants projectifs. A contrario, les lettres et autres marques sont beaucoup moins sensibles aux changements relativement hasardeux de leurs formes et de leurs couleurs (Voir Figure 4).




Figure 4. La Transparence, le Cas Général. Dans le cas général, une image d'une image n'a pas besoin d'être parallèle à l'originale. Le résultat (sur la gauche) n'est pas identique à son objet vis-à-vis des formes déterminées de toutes ses régions, bien que les deux soient liés par transformation perspective.



Bien que cela montre clairement que la perspective linéaire est transparente, est-ce que ce choix de propriétés syntaxiquement pertinentes est plausible sur des fondements indépendants ? En fin de compte, il y a ici une impression de circularité, et si ce n’est pas le cas, alors il y a au moins un problème quant au choix des propriétés syntaxiquement pertinentes qui ne serait motivé que par la conclusion recherchée. Il est certainement intuitif de faire appel aux images qui partagent toutes les formes et couleurs déterminées syntaxiquement et, par conséquent, qui sont sémantiquement identiques, mais non pas aux images qui diffèrent dans le sens où elles peuvent ne pas partager intuitivement de contenu d’après une application arbitrairement perspectiviste. L'intérêt de faire appel à deux marques possibles dans un système représentationnel syntaxiquement distinct est qu’il est possible qu'elles soient des représentations de choses différentes : les représentations syntaxiquement identiques ne peuvent pas être des représentations de choses différentes. Si les invariants projectifs sont un choix adéquat de propriétés syntaxiquement pertinentes pour la perspective linéaire, alors cela dépend de la possibilité qu’il y ait une notion de contenu pictural selon laquelle toutes les images qui partagent des invariants projectifs partagent un contenu.

 Les règles de production des IPL sont telles que plusieurs scènes différentes peuvent résulter d’une même image. L’exemple le plus simple est le cas spécifique énoncé ci-dessus, dans lequel une image d’une image est exactement identique à l’originale quant à leurs formes et couleurs déterminées. Dans ce cas, l’image originale pourrait être une image – par exemple une image d'un chien – et l’image du chien et le chien lui-même entraînent tous deux des IPL syntaxiquement identiques. Si n’importe quelle scène de chaque image peut produire une image particulière en perspective linéaire qui compte comme une partie du contenu de l’image, alors toutes paires d’images qui partagent des invariants perspectifs, quelle que soit la manière dont elles diffèrent à d’autres égards, ont le même contenu. Deux scènes possibles qui diffèrent à certains égards, mais non en termes de leurs invariants perspectifs depuis un certain point de projection, ne diffèrent pas l’une de l’autre vis-à-vis des projections en perspective depuis ce même point. Ici, la notion de contenu – où une image particulière est vue en perspective linéaire via une projection perspective, que nous disons (de surcroît) faire partie du contenu de l’image – est  encore assez abstraite et tient beaucoup des « contenu épurés » tels que définis par Haugeland[xviii]. Bien qu’abstrait, le contenu épuré est une façon plausible d’exprimer ce dont les images traitent, ainsi que les conditions dans lesquelles deux images diffèrent syntaxiquement. Si on choisit les invariants projectifs comme propriétés syntaxiquement pertinentes de la perspective linéaire, alors la perspective linéaire est un système représentationnel transparent.
 Les systèmes qui satisfont la transparence n’ont pas seulement des contenus épurés assez indéterminés : l’indétermination y est d’une espèce bien particulière. Par exemple, une partie du contenu de n'importe quelle image en perspective linéaire est un plan coloré, ayant des formes similaires à l’image en perspective linéaire elle-même. Puisqu’un tel plan compte comme une image en perspective linéaire, on peut dire que pour tout X inclus dans le contenu épuré d’une image en perspective linéaire, une image de X, compose lui aussi une partie du contenu de l’image en perspective linéaire. Aussi, la plupart des plans colorés qu’une image en perspective linéaire peut raisonnablement engendrer et comptant comme des images – spécifiquement, tous ceux qui sont reliés à elle via une transformation perspective –, lorsqu’ils sont interprétés comme des IPL, ont le même contenu que l’image en perspective linéaire originale. En ce sens, les représentations d'un cadre transparent (transparent scheme)  sont indifférentes aux autres représentations. Produire une image d’une image engendre une image ayant le même contenu que l’originale, puisqu'elle est syntaxiquement identique à cette dernière. Notons que si on voulait maintenir les contenus des IPL comme étant cette variété plus déterminée que le sens commun leur prête, alors on ne serait pas en mesure de saisir à quels égards la perspective linéaire est transparente. De plus, dans la mesure où la perception des images motive des affirmations à propos de leurs contenus assez déterminés, c’est seulement en rejetant l’utilisation de faits perceptuels comme explanans qu’on est en mesure de voir à quels égards la perspective linéaire est transparente. En fait, aussi longtemps que rien n’est dit à propos de la perception des images, si les images doivent être visuelles, peu importe le rôle que joue le point de vue pour les images, s’il en est, mais nous y reviendrons plus loin.
 La transparence est une condition structurelle qui limite la classe des systèmes représentationnels syntaxiquement sensibles, relativement saturés et sémantiquement riches, à ceux qui sont intuitivement picturaux. Il devrait donc s’ensuivre sans surprise que ni le système de couleur complémentaire, ni le système d'inspiration cubiste introduit plus haut, ne satisfont franchement la transparence. Dans le système des couleurs complémentaires, les ciels bleus et les champs verts sont représentés comme étant, respectivement, jaunes et rouges. Ce système échoue à être transparent vis-à-vis égard des couleurs déterminées des objets. Comme on peut produire des images d’images dans ce système, les couleurs des images qui en résultent continuent d’opérer un va-et-vient entre les paires complémentaires. Créez une image d’une image d’un objet vert, voyez si le résultat est une image (verte) d’un objet rouge, etc. Dans ce système, une image d’un objet vert ne peut pas aussi être une image d’un objet rouge. Par conséquent, le fait qu’une image d’une image d’un objet vert est elle-même une image d’un objet rouge indique que l’image de l’image n’est pas syntaxiquement identique à son objet et que la transparence échoue.
 D’autre part, si on ignore complètement la couleur comme propriété syntaxiquement pertinente d’un système, et qu’on se concentre sur les formes, alors le système est transparent et pictural ; il ne l'est seulement pas vis-à-vis des couleurs. Négliger la couleur comme propriété syntaxiquement pertinente signifie aussi que ces images ne représentent pas les faits concernant les  états colorés des objets. Dans la même veine, un système d’image dans une échelle de gris, dans lequel les images ont des zones où la luminosité varie mais sans nuance de couleur, est aussi transparent. De plus, on peut inclure les propriétés de couleur  parmi les propriétés syntaxiquement pertinentes du système de couleur complémentaire et le faire devenir transparent, mais ce serait au prix de ne représenter que les propriétés de couleur très farfelues du système, non les couleurs standards auxquelles on s’attend d’un système pictural. Précisément, si on prend les propriétés disjonctives rouge-ou-vert, bleu-ou-jaune, etc., comme propriétés syntaxiquement pertinentes du système, alors il en résulte un système pictural transparent. Une image d’une image d’un objet rouge-ou-vert, dans ce système, est elle-même une image (rouge-ou-verte) d’un objet rouge-ou-vert, etc. Pourtant, ce système ne représente pas les objets comme ayant des couleurs déterminées. Il représente plutôt les objets comme ayant des disjonctions de paires de couleurs complémentaires, lesquelles sont pour le moins non standards. La transparence montre à quels égards le système de couleur complémentaire est pictural et dans quel sens il échoue à l'être, ce qui traduit les intuitions contradictoires  associées à de tels systèmes.
 Le système d’image fracturée est juste aussi syntaxiquement sensible, saturé, et sémantiquement riche que celui en perspective linéaire, mais il échoue visiblement à être transparent. Dans ce système, une image d’une image de cheval n’inclut pas un cheval comme partie de son contenu, mais un assortiment en vrac de parties de cheval. Puisque l’image de l’image n’a pas le même contenu épuré que l’image originale, elles sont syntaxiquement distinctes l’une de l’autre et la transparence échoue. Imaginons ce qui se passe lorsqu’on réitère le processus représentationnel dans un tel système. Dans un premier temps, créons une image en perspective linéaire d’un cheval, et fragmentons la. Ensuite, créons une image en perspective linéaire de l’image fragmentée et fragmentons le résultat. L’image qui en résulte est foncièrement une fragmentation de l’image originale, laquelle est une représentation syntaxiquement distincte. La transparence restreint la classe des systèmes syntaxiquement sensibles, relativement saturés, et sémantiquement riches en une classe que nous pensons intuitivement picturale.


VIII. Mimesis, ressemblance et transparence

 Au fondement de toutes les intuitions concernant les images et la façon dont elles diffèrent des autres sortes de représentations, il y a l'idée que dans un certain sens les images ressemblent à ce qu’elles dépeignent. Une façon simple d’étoffer cette intuition est d’affirmer que les caractéristiques intrinsèques des objets possibles des images sont systématiquement reliées aux caractéristiques intrinsèques des images possibles de ces objets. De plus, le fait que ces images soient similaires à leurs référents est d’une certaine façon pertinent pour expliquer que les images ont les référents qu’elles ont ; la similarité conduit à la sémantique. L’explication de la représentation picturale élaborée ci-dessus ouvre de nouvelles perspectives précisément là où ces intuitions demeurent ; mais avant de traiter ce point, certaines distinctions doivent être faites.
 Il y a au moins deux sens en lesquels un objet pourrait être jugé comme ressemblant à un autre, et la distinction doit être claire. Deux objets peuvent être jugés comme étant semblables, soit dans le sens où ils sont similaires ou expérimentés comme étant similaires en apparence : soit ils peuvent être jugés comme étant authentiquement similaires en ce qu’ils partagent certaines propriétés spécifiées. La similarité apparente est une notion psychologique qui peut être et qui a été expliquée de diverses façons par la plupart des partisans des théories perceptuelles de la dépiction.[xix] Tous les cas de similarité authentique entre objets ne comptent pas comme des cas de similarité apparente. De plus, tous les cas de similarité apparente ne sont pas garantis par une similarité authentique facile à identifier. Un objet pourrait ressembler à un autre bien que l’un tombe dans une obscurité épistémique quelles que soient les similarités authentiques qui sous-tendent la similarité apparente. A l'inverse, les jugements de similarité authentique sont toujours construits par rapport aux propriétés spécifiées des objets en question. Notons qu’il est incorrect d’expliquer la similarité apparente en termes d'une similarité supposée authentique, générée par l'attribution inversement intentionnelle de propriétés affectées aux objets comparés. On pourrait être tenté, par exemple, de dire que les objets qui se ressemblent vraiment sont semblables en ce qu’ils partagent la propriété de ressembler d’une certaine façon, W, au sujet S. Cela n’explique pas, ou ne garantit pas, mais seulement réitère l’affirmation que les objets semblent identiques. Expliquer la similarité apparente doit entraîner l’attribution de propriétés authentiques et non l'attribution intentionnelle de propriétés en inversant les propriétés en question. Le problème de la mimesis picturale formulée ici concerne les similarités authentiques systématiques entre les images et leurs objets.
 D'après cela, de très fortes restrictions surviennent sur ce à quoi peut ressembler une image dans un système transparent, quand celle-ci doit compter comme une image d’une autre image. Comme il a été stipulé plus haut, la transparence entraîne simplement qu’une image d’une image est similaire à son objet compte tenu de plusieurs de ses propriétés syntaxiquement pertinentes. En perspective linéaire, il s’agit des projectifs invariants. Plus généralement, est-ce qu'une image de X peut être similaire à cet X d'une façon systématique et sémantiquement pertinente, sans tenir compte de savoir si cet X est lui-même une surface colorée, etc. , et si oui, à quels égards?[xx] Comme il s’avère que tous les systèmes représentationnels transparents sont mimétiques, les représentations de ces systèmes présentent donc des similarités systématiques avec ce qu’elles représentent. De plus, bien que la transparence entraîne la mimesis, et que la mimesis entraîne des similarités systématiques entre les représentations et ce qu’elles représentent, la réciproque n'est pas valable.
 Avant que la mimesis dans des systèmes représentationnels ne puisse être définie, j'énumère quelques remarques à propos des propriétés des objets qu’un système peut représenter. Premièrement, les propriétés des objets parviennent à plusieurs niveaux d’abstraction. Par exemple, toutes les caractérisations suivantes de la table face à moi sont exactes : un rectangle dont les côtés sont d'un rapport de 2 à 1, un rectangle, un parallélogramme, un quadrilatère, et une figure angulaire. Chacune proposition en dit de moins en moins à propos de la table, or ce n'est pas parce qu'elles sont informatives qu'elles en deviennent moins exactes dans leur attribution. De semblables considérations s’appliquent pour les couleurs, les orientations relatives, les emplacements relatifs, etc. Deuxièmement, un système représentationnel peut très bien représenter un objet comme ayant des angles tandis qu’il reste discret concernant d’autres détails déterminés de l’objet, comme le nombre de côtés qu’il a. Ainsi, tandis qu’être angulaire n’est pas un aspect déterminé – comme, par exemple, être un rectangle avec des côtés de rapport 2 :1 – on peut représenter de façon déterminée qu’un objet a de fait cet aspect indéterminé. Il en va de même pour les couleurs. Je peux dire qu’un livre a une couverture bleue, sans dire qu’il a ou n’a pas une couverture bleu ciel. Pour en revenir à la similarité, deux objets peuvent être similaires dans la mesure où ils partagent la propriété d’être angulaire et bleu, bien qu’ils ne partagent pas plus de propriétés déterminées que cela. En outre, il est utile de penser en termes de classes de propriétés mutuellement exclusives et de systèmes comme représentants les membres de ce type de classes. L’idée est qu’un système peut représenter des objets comme étant trilatéraux, quadrilatéraux, etc., sans les représenter comme ayant une forme plus déterminéee. De même, un système peut être mimétique vis-à-vis de propriétés très abstraites, comme la latéralité, sans être mimétique vis-à-vis d’autres propriétés déterminées. En gardant cela à l’esprit, nous pouvons maintenant définir la mimesis.
 Un système représentationnel S est mimétique vis-à-vis d’un ensemble de propriétés C si et seulement s'il satisfait les quatre conditions suivantes :                
(i) Tous les membres de C sont des propriétés syntaxiquement pertinentes de S.              
Un système ne peut évidemment pas être mimétique si les propriétés vis-à-vis desquelles le système est supposé être mimétique ne sont pas des propriétés syntaxiquement pertinentes de ce système.
(ii) Tous les membres, P, de C sont tels que les représentations dans S peuvent représenter de façon déterminée leurs objets comme étant P.
Cette condition est aussi plus ou moins évidente. S doit être capable de représenter les objets comme étant P pour qu'il puisse être mimétique vis-à-vis de P. L’expression « de façon déterminée » ("determinately") distingue le fait de représenter un objet comme étant P et celui de rester silencieux en ce qui concerne la P-ité d’un objet. Selon (ii), il n’est pas seulement consistant avec toutes les interprétations des représentations de S que leurs objets soient P, mais il est consistant pour au moins certaines représentations dans S que les objets soient non-P.   Etant données (i) et (ii), quelles sont les relations entre les propriétés syntaxiquement pertinentes de S et les contenus des représentations dans S ?
(iii) Toutes les représentations dans S qui représentent de façon déterminée leurs objets comme étant un membre, P, de C sont elles-mêmes P.
Toutes les représentations dans S qui représentent les objets comme étant, par exemple, quadrilatéraux sont eux-mêmes quadrilatérales. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire que les rectangles soient représentés avec des rectangles ou, bien sûr, que les rectangles de 2:1 soient représentés avec des rectangles de 2:1, puisque tout ce qu'on a besoin pour qu'une représentation mimétique soit quadrilatérale est une similarité systématique impliquant la propriété d'avoir quatre côtés. Par exemple, les images en perspective linéaire partagent leurs invariants perspectifs avec leurs objets, mais ces invariants sont des propriétés très abstraites. Toutes les IPL d’objets carrés ne sont pas elles-mêmes carrées, mais elles sont toutes quadrilatérales. Parfois, on peut seulement trouver la mimesis dans un système représentationnel lorsqu'on veut bien se pencher sur des propriétés assez abstraites, comme la latéralité. Enfin, (iii) laisse la possibilité qu’il y ait des représentations en S qui sont P mais qui échouent néanmoins à représenter de façon déterminée leurs objets comme étant P, donc nous avons besoin d'établir que :
(iv) Toutes les représentations dans S qui sont P représentent de façon déterminée leurs objets comme étant P.
Ces quatre conditions sont nécessairement et conjointement suffisantes pour définir la mimesis vis-à-vis d’un ensemble de propriétés dans un système représentationnel. Cette définition n’entraîne pas que toutes les représentations dans S des objets qui sont P sont elles-mêmes P. Seules les représentations qui représentent leurs objets comme étant P ou qui sont elles-mêmes P sont envisagées dans la définition. Il se peut donc qu’il y ait un objet O qui est P, tel que O est représenté dans S, mais où la représentation de O n’est elle-même pas P, dès lors qu'elle ne représente pas O de façon déterminée comme étant P. 
 La mimesis est avant toute chose une caractéristique de la sémantique des systèmes représentationnels. Si un système représentationnel est mimétique vis-à-vis de la classe des n-latéraux, alors lorsqu’une surface quadrilatérale est représentée comme telle, cette représentation sera aussi un quadrilatère, et, par conséquent, une instanciation (an instance) du même membre de la classe – des quadrilatères – que l’objet représenté. La mimesis entraîne donc la similarité, et la similarité impliquée est sémantiquement significative. Il peut y avoir plusieurs façons d’après lesquelles une représentation particulière est similaire à ce qu’elle représente, et il peut même y avoir plusieurs façons d’après lesquelles les représentations sont systématiquement similaires à ce qu’elles représentent, mais toutes ces similarités ne sont pas des instanciations de mimesis. D’autre part, la similarité vis-à-vis d'une certaine propriété ou d'une autre est nécessaire pour la mimesis, mais cela n’implique pas que la similarité soit nécessaire ou suffisante pour qu’un objet soit une représentation. Cette analyse est donc immunisée contre les objections de Goodman, en particulier contre l’idée que la similarité puisse aider à expliquer ce qui fait que certains objets soient des représentations.[xxi] Les systèmes dont les membres présentent des similarités systématiques avec les membres d’une classe d’objets, sont parfaitement appropriés pour représenter les membres de cette classe, sans pour autant affirmer qu’être une représentation consiste à être similaire à un certain objet. Enfin, aucune mention n’a été faite à propos de la ressemblance, ou de la similarité apparente, bien qu’il soit raisonnable de supposer que la mimesis concernant les propriétés perceptibles est telle que ces représentations sont expérimentées comme étant similaires à leurs objets.[xxii]
  La mimesis maintenant définie, il est possible de montrer que la transparence implique la mimesis. Considérons un exemple familier : les images radar du bulletin météo quotidien, dans lesquelles la couleur d’une région correspond à l’intensité des précipitations de cette zone. Le radar est sensible aux différentes densités de l’atmosphère à différentes distances de l’antenne, et ces densités sont directement corrélées à la sévérité des précipitations de cette zone. Ce système de représentation est un amalgame intéressant de représentations non-transparentes, mimétiques, et non mimétiques.
 Tout d'abord, les régions de couleur uniforme de l’image représentent les régions d’intensité uniforme de la tempête. De plus, une région de couleur uniforme a la même forme que la région de l’intensité uniforme qu’elle représente. Une partie l'objectif de ce système est de sélectionner les localisations et les formes des régions du temps orageux, et ce système est mimétique en rapport des formes (shapes) et des emplacements (locations) de ces régions. D'un autre côté, ce système n'est pas transparent vis-à-vis de ces propriétés. Il est évidemment pratiquement impossible de faire une image radar d'une autre image radar, mais même si on met laisse de côté cette difficulté pratique, la transparence échoue. Le radar représente les densités relatives de l'atmosphère, et en conséquence, une image d'une autre image enregistrerait les densités relatives de l'image originale. Puisque ce sont les couleurs des images radar qui correspondent aux densités de ses objets, il n'y a pas de raison de penser que les densités des parties de l'image supporteraient une quelconque relation intéressante avec la densité des objets représentés. Par conséquent, une image d'une autre image diffère de son objet en fonction des couleurs et des formes de sa surface, ce qui signifie qu'elle en est syntaxiquement distincte.
 Pour que ce système soit transparent, on pourrait changer ses propriétés syntaxiquement pertinentes. Ce système n'est pas transparent car les densités de l'image ne supportent pas de relation intéressante avec les densités qu'elle représente. Les couleurs sont utilisées pour véhiculer une information à propos de la densité. Pourtant, si on réorganise le système de manière à ce que les régions de densité uniforme de la représentation correspondent aux régions de densité uniforme de l'atmosphère, on se rapprocherait davantage d'un système représentationnel transparent. La mesure dans laquelle ce nouveau système est transparent dépend de la nature de la relation entre la densité de la représentation et la densité de ce qu'elle représente.[xxiii] Par exemple, si les régions de densité D représentent les régions de densité D, alors le système est transparent eu égard aux formes et aux densités déterminées de ce qui est représenté. Cela est facile à comprendre parce que la représentation elle-même coïncide avec la densité de ce qu'elle représente, de sorte qu'une représentation de cette représentation dans le même système coïncide de la même façon avec sa densité dans une région de forme similaire. Si les régions de densité cD représentent les régions de densité D, où c est une constante multiple, alors il n'y a pas de transparence vis-à-vis des densités déterminées mais il y a transparence vis-à-vis des densités relatives des régions et des formes des régions de densité uniforme.[xxiv] En raison de la relation particulière que la transparence demande entre les représentations et les représentations de représentations dans un système quelconque, produire un système transparent vis-à-vis de certaines propriétés implique qu'il soit mimétique vis-à-vis de ces propriétés. Par ailleurs, tous les systèmes mimétiques ne sont pas transparents, comme le montre le cas du radar.
 Bien que les images radar ne satisfont pas les conditions de picturalité, elles sont appelées images pour une bonne raison. Plus précisément, en surcroît des systèmes représentationnels picturaux complets, il y a la classe plus générale des systèmes qui sont saturés, sensibles, riches, et mimétiques, bien que non nécessairement transparents. Cette classe correspond à ce qui pourrait être appelé les systèmes représentationnels imagistiques ( imagistic representational systems). Les systèmes représentationnels picturaux sont une sous-classe des systèmes imagistiques : ceux qui sont transparents. Cette proposition a l'avantage de bien s'accommoder de notre usage ordinaire des termes picture et image, puisque tout ce qui compte intuitivement comme une picture compte comme une image, bien que tout ce qu'on soit disposé à nommer image ne mérite pas d'être nommé picture.


IX. Images audio ?

 Saturation, sensibilité, richesse, mimesis, et transparence sont des conditions assez générales qui ne font pas référence aux modes visuels de représentation. Dans ces circonstances, reste à savoir si certains systèmes représentationnels communs non-visuels peuvent être picturaux. L'existence de tels systèmes montrerait en partie pourquoi il est important d'élaborer une explication structurale des pictures et des images et pourquoi les explications perceptuelles qui prennent la nature visuelle des images pour acquise sont vouées à mésinterpréter ce qu'est être une image.[xxv] Selon l'explication proposée ici, les lectures d'enregistrements audio sont des images de choses et leurs propriétés audibles, tout comme les images visuelles et leurs propriétés visibles, représentent des choses.
 Considérons en premier lieu la différence entre la bande audio qui enregistre des "tic-tac" — ceux d'un compteur Geiger par exemple — et une bande qui enregistrerait tous les sons d'une pièce. Dans le premier cas, tout ce qui importe à la représentation est qu'un tic-tac survient à tel et tel moment. On pourrait changer la qualité audible du tic-tac de n'importe quelle manière sans affecter le contenu représentationnel de la bande, même en insérant des bruits de fond, tant que ces bruits ne masquent pas les tic-tac.[xxvi] Un tel enregistrement est semblable à un diagramme sur lequel un point est placé le long d'un axe qui représente le temps, chaque fois qu'un évènement survient. Ces deux systèmes sont syntaxiquement sensibles puisqu'arbitrairement de petites différences dans la synchronisation du tic-tac sur la bande ou sa position sur le diagramme correspondent aux différentes représentations dans chaque système. La bande, comme le diagramme correspondant, n'est pas très saturée, puisque plusieurs ajouts et changements dans la nature de la lecture qui représente les tic-tac ne sont pas pertinents pour la représentation des évènements en question: ils ne sont pas pertinents pour la synchronisation ou la présence des "tic-tac".
 Pourtant, lorsqu'on enregistre tous les sons d'une pièce, les choses sont assez différentes. Le système est en effet syntaxiquement sensible, puisqu'arbitrairement de petits changements sur le champ magnétique de la bande, et, par conséquent, des caractéristiques de lecture de la bande, sont suffisants pour engendrer des représentations syntaxiquement distinctes. Toutes les représentations qui sont syntaxiquement distinctes (qui ont des types de lecture différentes) sont sémantiquement distinctes, puisque si la lecture est différente, alors le son représenté par la bande est lui aussi différent. Par conséquent, ce système est sémantiquement riche. Aussi, l'enregistrement de tous les sons de la pièce diffère de l'enregistrement graphique (diagrammatic recording) qui concerne la saturation relative. Les caractéristiques de lecture pertinentes pour l'identité syntaxique de l'enregistrement du tic-tac sont un sous-ensemble propre des caractéristiques de lecture pertinentes pour l'identité syntaxique de l'enregistrement du son ambiant. Ces deux enregistrements sont assez sensibles, mais les caractéristiques de la lecture importent davantage à l'enregistrement du son ambiant qu'à l'enregistrement des tic-tac réguliers. Dans le cas d'une sonorité ambiante, toutes les nuances de tous les sons importent. De plus, ces deux systèmes sont sémantiquement riches. En général, les analogies entre représentations audio et représentations visuelles sont assez proches pour ce qui est de la saturation, de la sensibilité, et de la richesse.
 La transparence (tout comme la sensibilité, la saturation, et la richesse sémantique) est une caractéristique très marquée et souvent exploitée des systèmes de représentation audio. Sous certaines conditions spécifiques, une lecture d'un enregistrement d'un enregistrement de X est syntaxiquement identique à une lecture d'un enregistrement de X. Il est courant qu'en produisant, dans les meilleures circonstances, un enregistrement d'un enregistrement, il en résulte une copie de l'enregistrement original, autrement dit, un enregistrement qui partage toutes les propriétés syntaxiquement pertinentes avec l'original. En général, en raison des imperfections de l'équipement audio, un enregistrement d'un autre enregistrement n'est pas identique à l'original, tout comme une photo d'une autre photo ne serait pas identique à celle-ci. Si un enregistrement se trouve parasité du fait d'un mauvais équipement, d'une faible réception, ou autre,   produire des enregistrements d'enregistrements avec le même équipement engendre des enregistrements dont la qualité ne cessera d'empirer. Pourtant, plus l'équipement est de meilleure qualité  — parasité par de moins en moins de bruit ­— plus l'enregistrement devient clair. En d'autres termes, meilleur est l'équipement, moins les enregistrements sont parasités, et plus le système sera proche de la transparence.[xxvii]
 Pour résumer, premièrement, les systèmes de représentations audio énoncés ici supportent plusieurs analogies singulières avec les systèmes de représentation visuelle, particulièrement les IPL. Deuxièmement, ces systèmes représentationnels audio qui se tiennent dans la plus stricte analogie aux images sont eux-mêmes syntaxiquement sensibles, relativement saturés, sémantiquement riches, et transparents. Ils sont donc considérés de façon appropriée comme des systèmes représentationnels picturaux. Naturellement, les enregistrements audio sont des représentations picturales de propriétés audibles de choses, non de leurs propriétés visibles. L'avantage des explications structurales de la représentation picturale est qu'elles ne sont pas liées à un medium particulier. Le système mentionné plus tôt dans lequel les densités sont des propriétés syntaxiquement pertinentes montre que tous les systèmes picturaux n'ont pas besoin d'être par nature visuels. D'autre part, le fait que parmi ces systèmes qui sont perceptivement accessibles et non-visuels — les systèmes de représentation auditifs — on trouve des systèmes transparents, sensibles, saturés et riches, est un heureux résultat.


X. Conclusion

 Les explications structurales de représentation picturale peuvent apporter beaucoup plus que certains l'ont pensé. Tandis qu'il revient à Goodman le mérite d'avoir été le premier à élaborer une telle explication, il n'est pas irresponsable de l'impopularité qu'il a recherchée. Goodman se délectait de ce qu'il appelait "la franche hérésie" consistant à classer par exemple le système de couleur complémentaire et le système d'image déconstruite ou d'inspiration cubiste, tout en occultant l'importance des images digitales et en refusant d'admettre que la similarité puisse jouer un rôle sémantiquement signifiant dans la représentation.
 En revanche, les quatre conditions proposées plus haut montrent qu'une explication structurale peut se raccrocher assez étroitement à la classe des représentations qu'on prend intuitivement comme étant picturales, ainsi qu'à la classe des représentations qu'on prend comme étant des images. Les images digitales s'intègrent bien à l'explication, alors que les systèmes de couleur complémentaire et d'image fragmentée sont traités autrement en nous montrant qu'ils ne sont pas picturaux. De plus, afin de formuler la transparence il a été nécessaire de faire appel à la version du contenu épuré de Haugeland, version selon laquelle les images s'avèrent ne représenter de façon déterminée que des états de choses assez indéterminés. Bien que dans ce sens les contenus des images soient relativement indéterminés, la transparence fait place aux similarités systématiques et sémantiquement signifiantes entre l'image et ce qu'elle dépeint ; l'explication en général bénéficie d'un avantage important sur les explications perceptuelles, celui d'être assez largement applicable.
 Tout système qui satisfait les contraintes structurales articulées plus haut est pictural. Un exemple intéressant est que les enregistrements audio se révèlent être des  images de propriétés audibles de la même façon que les photographies sont des images de propriétés visibles. De plus, c'est une conséquence directe de cette explication que beaucoup des systèmes picturaux et imagistiques ne soient pas ces sortes de choses avec lesquelles on peut interagir perceptivement, puisqu' aucune de leurs propriétés syntaxiquement pertinentes n'est une propriété perceptible. Personne ne peut voir ou entendre les densités, mais un système qui représente les densités avec des propriétés syntaxiquement pertinentes, et qui sont elles-mêmes des densités, peuvent se révéler être picturales, comme nous l'avons vu plus tôt. Bien que l'accessibilité perceptuelle ne soit pas une condition de la picturalité, elle soulève d'intéressantes questions concernant la perception des images. Il n'y a pas d'intérêt à nier que certaines images, à la fois auditives et visuelles, sont des entités sortales perceptuelles particulières. Qu'en est-il de la structure de ces représentations qui les rend si particulières ? Ce serait quelque peu miraculeux si cela était le fruit du hasard, ainsi donc la prochaine étape est de déterminer de quelles façons les considérations structurales articulées ci-dessus se rapportent aux explications perceptuelles, lesquelles dominent le débat sur la représentation picturale.[xxviii]



John Kulvicki, ‘Image Structure’, The Journal of Aesthetics and Art Criticism 61 : 4 Fall 2003, pp. 323-340.





[i] Les théories perceptuelles incluent Malcom Budd, "How Pictures Look", in Virtue and Taste: Essays on Politics, Ethics, and Aesthetics, ed. Dudley Knowles and John Skorupski (Oxford: Basil Blackwell, 1993), pp. 154-175, Ernst H. Gombrich, Art and Illusion (Princeton University Press, 1960) et The Image and the Eye (Cornell University Press, 1982), Robert Hopkins, Picture, Image and Experience (Cambridge: Cambridge University Press, 1998), Christopher Peacocke, "Depiction", The Philosophical Review 96 (1987): 383–410, Flint Schier, Deeper into Pictures (Cambridge: Cambridge University Press, 1986), et Richard Wollheim, Art and Its Objects, 2nd ed. (Cambridge: Cambridge University Press, 1980), On Art and the Mind (Harvard University Press, 1974), The Mind and Its Depths (Harvard University Press, 1993), et “On Pictorial Repre- sentation,” The Journal of Aesthetics and Art Criticism 56 (1998): 217–226. La théorie de Dominic Lopes —Understanding Pictures (Oxford: Oxford University Press, 1996) — est perceptuelle mais comprend également certains éléments structuraux.
[ii] Cette liste suit de près celle de Robert Hopkins dans “Explaining Depiction” et  Picture, Image, and Experience, qui est jusqu'à présent la tentative la plus attentive à énoncer clairement ce à quoi on devrait s'attendre d'une théorie de la dépiction. Ce qui suit montre que dans la mesure où on insiste sur l'explication de ces faits, on finit par oublier un sens important d'après lequel les images forment une sorte particulière de système représentationnel.
[iii]  Voir, par exemple, Nelson  Goodman,  Languages  of Art, 2nd ed. (Indianapolis: Hackett, 1976), Problems and Projects (Indianapolis: Bobbs-Merrill, 1972), et Of Mind and  Other  Matters  (Harvard  University  Press,  1984), Nelson Goodman and Catherine Z. Elgin, Reconceptions in Philosophy (London: Routledge, 1988), Catherine Z. Elgin, “Relocating Aesthetics,” Revue Internationale de Philosophie 46 (1993): 171–186, Kent Bach, “Part of What a Picture  Is,”  The  British  Journal  of  Aesthetics  10  (1970): 119–137, et Oliver Scholz, “A Solid Sense of Syntax,” Erkenntnis 52 (2000): 199–212. Pour une approche différente dans la même veine, voir Elliot Sober, “Mental Representations,” Synthese 33 (1976): 101–148.
[iv] La langue française ne différencie pas les deux termes, nous laissons donc les termes originaux (en italique) dans le texte lorsque la confusion est possible. Le terme image a une connotation technologique, c'est une image produite par un instrument, qui est issue d'un processus optique dans un cadre spécifique comme celles produites par un radar ou un satellite. Les pictures correspondent à ce qu'on nomme habituellement "images" (tableaux, photographies, dessins, captures d'écran, etc.). Voir par exemple l'interview donnée par Dominic Lopes disponible en ligne : http://www.imachination.net/next100/reactive/lopes/index.htm (consultée le 11 octobre 2013).  (N.d.T.)
[v] On peut écarter les images qui ne présentent pas de relation syntaxique  intéressante avec d'autres images. Le but de l'individuation syntaxique est qu'elle n'est pas sémantique et est définie par les propriétés intrinsèques des représentations spécifiques. A cet égard, voir aussi Scholz, “A Solid Sense of Syntax”.
[vi] Pour l'articulation de cette condition par Goodman, voir ses Languages of Art, pp. 229–230. Afin que la comparaison soit plus claire,  j'énonce  la condition de Goodman en termes de  propriétés syntaxiquement pertinentes plutôt qu'en termes de ce qu'il appelle les aspects constitutifs-de-caractère, lesquels sont des marques de représentations telles que tout changement en elles entraîne un changement de l'identité syntaxique de la représentation en question. Les propriétés syntaxiquement pertinentes n'ont pas besoin de satisfaire cette condition.
[vii] Pour Goodman, la question correspondante est triviale. Les aspects constitutifs-de-caractère de Goodman sont des marques essentielles des types syntaxiques: tout changement des ACC entraîne un changement de l'identité syntaxique.
[viii] Comme noté plus haut, il y a en général, pour tout système, plusieurs caractérisations de propriétés syntaxiquement pertinentes. Le jugement de sensibilité syntaxique relative prend son sens lorsqu'on caractérise les propriétés syntaxiquement pertinentes de deux systèmes de telle sorte que les caractérisations aient des membres en commun. Je traite de certaines complications à ce sujet plus loin.
[ix] Goodman,   Languages   of   Art.   La densité syntaxique, p. 136. La densité sémantique, p. 153. La nature de la distinction analogique/digital en détail dépasse le champ de cet article.
[x] Voir, par exemple, Goodman and Elgin, Reconceptions in Philosophy, pp. 123–131.
[xi] Cf.    John    Haugeland,    “Analog    and    Analog”, Philosophical Topics 12 (1983): 213–226.
[xii] Wollheim, On Art and Its Objects.
[xiii] Ibid., et Goodman, Languages of Art.
[xiv] Par exemple, on pourrait adopter le voir-dans de Wollheim, la relation-F de Peacocke, ou la ressemblance expérimentée de la forme de contour de Hopkins.
[xv] Cette caractérisation échoue à être complète. Les images d'objets derrière une vitre, lorsque la vitre reflète elle-même quelque chose, ou les images d'objets immergés, saisis au-dessus de la surface, etc., ne sont pas inclus. Pourtant, peu d'auteurs s'attardent sur ces détails, ils sont ainsi au mieux laissés de côté. Aussi, je remercie particulièrement David Hilbert et Aaron Meskin pour leurs précieux commentaires et suggestions pour cette section.
[xvi] Ce résultat peut être prouvé géométriquement, mais peut être laissé de côté pour l'instant.
[xvii] Voir, par exemple, H. S. M. Coxeter, The Real Projec- tive Plane (New York: Springer-Verlag, 1993).
[xviii] John Haugeland, “Representational Genera,” in Philosophy and Connectionist Theory, ed. William Ramsey, Stephen Stich, et David Rummelhart (Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum, 1991), particulièrement pp. 74–77, lequel traite différemment des détails des contenus épurés que je ne le fais, mais les notions sont similaires, et je trouve cette terminologie assez appropriée. Cette notion de contenu laisse bien évidemment la possibilité qu'il y ait davantage de contenus déterminés associés aux images. Le contenu épuré est intéressant parce qu'il aide à saisir la structure des systèmes picturaux. Aussi, c'est dans le contexte d'une telle notion de contenu que des questions supplémentaires plus approfondies concernant les contenus des images plus déterminés et plus recherchés, comme celles qui sont utilisées par les théories perceptuelles de la dépiction, deviennent intéressantes.
[xix] Voir, par exemple, Budd, “How Pictures Look,” Peacocke, “Depiction,” Hopkins, “Explaining Depiction,” et Karen Neander, “Pictorial Representation: A Matter of Resemblance,” The British Journal of Aesthetics 27 (1987): 213–226.
[xx] Dans ce qui suit, souvent, “ressemblance” est plus appropriée que "similarité" dans la plupart des contextes, mais lorsque rien n'est précisé, j'utilise "ressemblance" en tant que ressemblance authentique et non simplement le fait de percevoir des similarités.
[xxi] Goodman,  Languages  of  Art  et  Problems  and Projects.
[xxii] Neander, in “Pictorial Representation: A Matter of Resemblance,” défend aussi quelque chose comme cela en ce qui concerne la place de la ressemblance dans la dépiction et la portée des critiques de Goodman. D'après son article, l'indicateur le plus pertinent de ressemblance dépend du système pictural que l'on considère: les portraits cubistes, les dessins d'enfant, les photographies, etc. Toutefois, Neander insiste sur les similarités expérimentées, tandis que je tends à me concentrer sur les similarités authentiques entre l'image et ce qu'elle dépeint.
[xxiii] La raison pour laquelle l'image radar de type Doppler est efficace est qu'elle utilise les couleurs pour représenter les densités, les premières étant immédiatement perceptibles. Un système qui utilise les densités des représentations pour représenter les densités des objets ne serait vraiment pas très efficace, parce qu' en général, les êtres humains ne perçoivent pas les densités par leurs propres capacités. Bien qu'il ne soit pas très efficace, le système est néanmoins pictural. Inclure dans la définition de ce qui fait qu'une représentation est picturale qu'elle est efficace, ou facilement appréhendable, semble erroné. Dès lors qu'on a saisi la structure des systèmes picturaux, on peut examiner lesquels d'entre eux sont particulièrement efficaces et lesquels ne le sont pas. Bien qu'étant de prime abord un peu contre-intuitive, cette approche a le gros avantage de ne pas faire d' hypothèse sur les medium et modes spécifiques des systèmes représentationnels picturaux. Notons, au passage, qu'un langage écrit, comme le français, mais écrit avec de l'encre invisible, est plausiblement à la fois représentationnel et linguistique, en dépit d'être très efficace.
[xxiv] C'est un autre exemple dans lequel il y a transparence et  mimesis vis-à-vis d'une propriété assez abstraite telle la densité relative, alors que la mimesis échoue pour des propriétés comme la densité déterminée.
[xxv] Peter Kivy, dans Sound and Semblance (Cornell University Press, 1984), examine certains exemples présumés de dépiction auditive. Il n'adhère à aucune explication de la dépiction en particulier, bien que dans une postface de Sound and Semblance (1991) il traite de la relation entre sa position et celle de Wollheim—par exemple, dans Art and Its Objects—et celle de Jenefer Robinson dans “Music as a Representational Art,” in What is Music? An Introduction to the Philosophy of Music, ed. Philip Alperson (New York: Haven, 1987). Robinson pense qu'une variante de la relation du voir-dans de Wollheim— écouter-dans— peut s'appliquer aux œuvres musicales pour déterminer lesquelles, s'il y en a, sont picturales. Examiner cette hypothèse est, dans cet article, hors de propos.
[xxvi] Il est important de remarquer simplement quelle est ici la représentation audio. Ce n'est pas la marque des champs magnétiques de la bande qui compte comme représentation picturale des sons enregistrés. La bande elle-même, comme le CD et la DAT [Digital Audio Tape, N.d.l.T.], est simplement une façon de produire de telles représentations,  chaque fois qu'on en a envie. La façon selon laquelle les champs sur la bande ou les marques du CD encodent le son n'est pas picturale, mais les lectures le sont.
[xxvii] Bien entendu, la question de la mimesis s'inscrit également dans le contexte des enregistrements, et elle peut être traitée d'une façon similaire à la façon dont elle a déjà été traitée plus haut dans le cas de la perspective linéaire.
[xxviii] Je remercie Murat Aydede, Anne Eaton, Stephen Glaister, Alan Goldman, David Hilbert, Robert Hopkins, Dominic Lopes, Aaron Meskin, Jesse Prinz, Guy Rohrbaugh, Josef Stern, et Andrea Woody pour leurs précieux commentaires sur les versions antérieures de cet article.

.

.

Pièces mécaniques en chocolat - Lucca

..

..