Motto : Crapula ingenium offuscat. Traduction : "le bec du perroquet qu'il essuie, quoiqu'il soit net" (Pascal).

Ce blog est ouvert pour faire connaître les activités d'un groupe de recherches, le Séminaire de métaphysique d'Aix en Provence (ou SEMa). Créé fin 2004, ce séminaire est un lieu d'échanges et de propositions. Accueilli par l'IHP (EA 3276) à l'Université d'Aix Marseille (AMU), il est animé par Jean-Maurice Monnoyer, bien que ce blog lui-même ait été mis en place par ses étudiants le 4 mai 2013.


Mots-clefs : Métaphysique analytique, Histoire de la philosophie classique, moderne et contemporaine,

Métaphysique de la cognition et de la perception. Méta-esthétique.

Austrian philosophy. Philosophie du réalisme scientifique.

vendredi 23 juillet 2021


 

Se souvenir de François Clementz 

 


François Clementz est décédé le Jeudi 8 Juillet 2021 ; spécialiste de l’œuvre de Bertrand Russell et de la philosophie des relations, il était professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille. Quelques souvenirs se présentent à moi qui viennent de l’époque où, grâce à ses bons soins, nombre d’étudiants d’Aix-en-Provence étaient initiés à l’épistémologie, la métaphysique contemporaine, l’histoire de la philosophie et évidemment à la philosophie analytique. Je laisse à d’autres qui le feront mieux que moi la tâche d’écrire sur la portée scientifique de son œuvre, de laquelle il faut reconnaître qu’elle parle d’elle-même, pour peu que l’on prenne le temps de se plonger dans les divers articles et autres textes qu’il a laissés. L’image que je conserve de Clementz est d’abord celle de l’enseignant qu’il a été pour nous, étudiants à Aix et je ne crois pas trop m’avancer en affirmant que cette image est celle d’un grand représentant français de la philosophie analytique « classique » (si j’ose écrire), à laquelle il essayait de nous former. Il y parvenait assurément, malgré les limites que lui imposaient nos capacités et notre inculture relative ; ses propos, toujours clairs, souvent passionnés, étaient d’une finesse d’autant plus remarquable qu’elle lui permettait d'éveiller nos esprits peu dégrossis aux subtilités qu'il jugeait importantes. 

C’est bien sous l’un de ses meilleurs jours que François faisait apparaître la philosophie analytique, car il en révélait constamment les traits qui font d’elle une pensée performante et substantielle. C’est sous divers visages qu’elle se présentait alors : parfois comme solidaire de débats s’inscrivant dans la continuité de problèmes classiques posés par Locke et Berkeley, ou bien comme inspiratrice d’un renouvellement de perspectives portant sur des problèmes plus anciens, ou encore comme la formulation de problématiques inédites et revigorantes, considérées à l’intérieur de nouveaux cadres de pensée qui se caractérisaient par une technicité et une clarté appréciables.

Tout cela sentait la pensée vivante, l’intellect honnête, la nouveauté et le grand dépoussiérage : c’est l’impression que l’on avait immédiatement à l’entendre discuter les positions de Russell, Frege, Wittgenstein, Quine, Gettier, Austin, Davidson, Wiggins, Peacocke ou d’autres auteurs plus récents. Ces philosophes, nos professeurs de terminale ou parfois de khâgne les avaient assez souvent considérés comme appartenant à une tradition suspecte, et s’ils ne les avaient pas parfaitement ignorés, ils les avaient présentés de manière anecdotique seulement. Or voilà qu’on nous proposait des perspectives très développées, au sein desquelles ils étaient soudain dotés d’une véritable épaisseur, inscrits dans des problématiques très étayées qui s’enrichissaient constamment des positions de multiples protagonistes : ils jouaient maintenant un rôle de premier plan, décisif, en étant placés sur un échiquier complexe et surprenant que nous découvrions en même temps que ses pièces, lesquelles nous semblaient à la fois inédites et, en partie, traditionnelles. Car il ne s’agissait pas de déconsidérer la pensée classique – au contraire, les relations entre le vieux Théétète de Platon (par exemple) et les débats de l’épistémologie récente apparaissaient sous un jour passionnant ; nous pouvions de plus clairement voir qu’il ne s’agissait que d’un petit exemple de l’effervescence et de la vitalité de discussions dont il ne pouvait nous offrir qu’un aperçu sommaire. D’aucuns trouveraient ce point de vue un peu étrange : car François, qui aurait bien aimé pouvoir consacrer la plus grande partie de son temps à la recherche, disait souvent des cours qu’ils étaient son pain noir, au grand étonnement d’étudiants pincés qui se vexaient immédiatement. Mais je me demande si ce n’est pas ce qui le conduisait à injecter dans son enseignement ce je-ne-sais-quoi qui en faisait la qualité même.

Cet enseignement, qui s’associait alors parfaitement à d’autres du même calibre, était totalement inséparable de mon enthousiasme estudiantin de l’époque – un enthousiasme qui, des années durant, m’a porté, et que François Clementz a directement contribué à entretenir, sans le vouloir, sans le savoir non plus, simplement par sa façon d’être et d’enseigner, en nous montrant par l’exemple même ce que c’était que d’avoir la passion de la philosophie sérieuse. Les conversations dans lesquelles il s’immisçait avec sa sympathie naturelle et son ironie franche (si on me passe l’expression) mais parfois cassante, tout comme celles qu’il provoquait dans les couloirs ou sous le soleil provençal, n’étaient jamais en reste : elles nourrissaient la motivation de celles et ceux qui étaient « mordus » de philosophie, comme elles donnaient à penser à celles et ceux qui ne l’étaient pas. C’était quelque chose que François ne pouvait aucunement perdre : il admirait le style de David Hume, mais il avait été très heureux, récemment, d’avoir pu enseigner les classiques de la littérature française, une tâche pour laquelle on l’avait sollicité dans un lycée catholique à proximité de chez lui. Les relire et les enseigner lui avait procuré un grand plaisir, me glissait-il, et il ne résistait pas plus à me confier sa satisfaction d’avoir eu l’occasion d’apprendre combien ses jeunes élèves avaient trouvé ses cours captivants du début à la fin. 

 

Parmi celles et ceux qui l’écoutaient à Aix-en-Provence, une représentation avait tout naturellement pris corps, en vertu de notre naïveté de l’époque, en observant Clementz : celle de ce qu’était un philosophe analytique typique. Ce n’est que plus tard que nombre d’entre nous ont compris qu’en raison de l’importance qu’il attribuait à l’histoire de la philosophie et à la pensée classique, il correspondait finalement assez mal à que ce que recouvre, dans les représentations usuelles tout au moins, le terme de « philosophe analytique ». Lui que nous considérions comme un représentant ordinaire de ce type de pensée était plutôt une sorte d’exception, car sa pratique philosophique était assez éloignée de celle de « l’analytique pur », dont la caricature était souvent mise en avant par celles et ceux qui ignorent tout de cette manière de faire de la philosophie, ou dépassée parfois par la réalité, dans quelque colloque, au grand dam de François et de quelques autres chercheurs qui, sur ce point, lui ressemblaient. 

Anglophile, François l’était assurément : il n’y a qu’à penser à ces moments presque surréalistes où, lors d’un séminaire aixois de ce qui était alors le CEPERC créé par Gilles-Gaston Granger et dirigé par Pierre Livet, il demandait au public de lui permettre de faire sa communication en français et en anglais à la fois. Il voulait par moments reprendre des arguments d’une conférence qu’il avait faite à l’étranger qu’il disait ne pas avoir eu le temps de retraduire en français. Il s’amusait lui-même de l’effet cocasse que produisait la transition de son français distingué à l’anglais oxonien, et son propos se déroulait de la sorte, passant d’une langue à l’autre, sans avertissement supplémentaire. C’est avec le même humour qu’il se demandait ce qu’aurait pensé un John Locke écoutant les étudiants à l’accent américanisé lire à voix haute des passages de son Essay

De la langue d’Outre-Manche, il avait assurément conçu une haute opinion : revenu de Londres où il avait enseigné, le jeune Clementz était allé écouter un cours de civilisation anglaise dans quelque université parisienne : il prétendait s’en être enfui dès les premières phrases prononcées par l’enseignant, en raison de l’accent français de ce dernier – un accent qui selon lui pouvait être coupé au couteau, mais qui était ce qu’il était (ce qu’il me disait aussi toujours, malicieusement, à propos du mien), et qu’il ne moquait pas pour autant. Il disait volontiers le plaisir qu’il avait eu, étant de passage à Londres pour quelque colloque, d’avoir pu prendre le temps de marcher dans les quartiers où il avait vécu ou qu’il avait fréquentés, tout en dissertant sur ces relations entre mémoire et imagination qui, se réactivant, lui avaient permis, chemin faisant, de reconstruire mentalement, à chaque pas, les parties de la ville qu’il allait redécouvrir au coin de la rue et auxquelles, des décennies durant, il n’avait plus pensé de la sorte. 

Il n’était toutefois pas un simple aficionado indistancié de l’éthos des sujets de Sa Majesté. Clementz rapportait que dans une conversation à laquelle il participait, à l’époque de la guerre en ex-Yougoslavie, un philosophe des Balkans expliquait à David Wiggins (était-ce bien lui ?), qui le questionnait sur son travail, qu’il s’intéressait à la branche de la philosophie examinant les raisons pour lesquelles des personnes sont incapables de vivre ensemble et vont parfois jusqu’à s’entretuer. L’auteur de Sameness and Substance commenta cela de manière assez raide : « De la philosophie politique, donc. Je préfère ce nom-là. ». Ce qui faisait avouer à Clementz que tout en appréciant la manière d’être British, de telles manifestations de flegme hautain créaient toujours un certain embarras chez lui.

C’est pourtant bien à Londres qu’il fit part avec fracas de son agacement à Jacques Derrida, alors que ce dernier exposait des considérations fondées sur son concept d’« invagination chiasmatique », et qu’il expliquait à un public sidéré que « Le dernier des Mohicans » est un nom propre. Il n’en fallait pas plus pour faire exploser le jeune Clementz, outré que l’on puisse formuler des propos d’une telle farine, sans tenir compte de rien, devant un auditoire dont nombre de membres appartenaient, historiquement, à une tradition au sein de laquelle la question des descriptions définies faisait depuis plusieurs décennies l’objet d’un débat fort vif et très développé. Derrida venait d’être accusé par Searle ou Foucault d’avoir sombré dans « l’obscurantisme terroriste » ; la légende dit qu’il répliqua à Clementz en lui attribuant le même qualificatif ou presque : on peut imaginer la suite de la discussion. 

À Aix, Il nous a par la suite été donné d’assister aux réactions assez vertes qu’avait Clementz lorsqu’un conférencier faisait la leçon en tenant des propos qu’il jugeait contestables, mal informés ou peu réfléchis. L’usage relâché du terme « substance » l’horripilait par exemple au plus haut point, car il considérait que la notion était suffisamment balisée pour que même un invité non métaphysicien s’inquiétât de ne pas induire en erreur le public en utilisant le terme à tort et à travers. Il s’agaçait alors de manière très palpable, et quand il ne reprenait pas ouvertement l’invité qui tombait des nues, il en raillait les propos avec les étudiants, en gênant la conférence, comme l’aurait fait un bad boy échaudé par quelque insinuation. Cette attitude, les éditeurs du fameux Lexicon Aixois l’avaient assez vite repérée, et une place dans leur somme lui a été immédiatement octroyée, sous l’appellation : « Clementz (comportement-de) ».  

 

Clementz était assurément sensible à l’histoire des débats et des processus d’argumentation qui délimitaient une question ; l’histoire de la philosophie nourrissait sa pensée déjà affûtée par les armes de la logique et les arguments des débats contemporains. Au sujet de dissertation « La philosophie peut-elle se passer de son histoire ? » qu’un chargé de cours avait écrit sur le tableau noir, François avait jeté un œil amusé. L’auteur de l’intitulé du sujet ne savait visiblement pas s’il devait regretter d’avoir laissé cette question au tableau, ce que les étudiants de première année avaient perçu, sans trop comprendre. Avait-il essayé de moquer ce qu’il pensait être un trait caractéristique de la philosophie analytique ? Insinuait-il qu’elle entendait traiter de problèmes philosophiques sans rien considérer de leur histoire, en croyant que l’on peut partir de rien ? Le chargé de cours de l’époque savait qu’avec Clementz, il était mal tombé. Fin connaisseur de Descartes, Spinoza, Kant, et bien sûr de Locke, Hume et Aristote (entre autres évidemment), François donnait à ses étudiants la meilleure idée de ce que peut être la combinaison de la rigueur logique et argumentative des analytiques et la profondeur de champ que confère la connaissance des classiques. Son style et son humour faisaient merveille, la passion du débat le disputait à l’obligation de transmettre correctement les thèses des divers auteurs dont il traitait, toujours en faisant prendre conscience à son auditoire de l’importance que la pratique philosophique revêtait à ses yeux. À Aristote, il disait préférer la lecture de Tintin, mais la Métaphysique était bien un ouvrage continument ouvert sur son bureau. J’ai souvenir d’un cours d’un spécialiste des sophistes qui avait apporté ce livre dans sa salle : Clementz et Monnoyer, qui co-dirigeaient le département, étaient venus annoncer je ne sais quelle information et s’étaient saisis de l’ouvrage qui de suite les avait aimantés. Ils avaient commencé à commenter plusieurs de ses passages, trollant de fait pendant des dizaines de minutes le cours de l’antiquisant qui ne savait plus comment les mettre à la porte. 

Spécialiste des relations, Clementz était capable de présenter des positions très subtiles à propos de celles-ci et de leurs divers types : il discutait les apports de la philosophie contemporaine, bien sûr, mais aussi ceux des médiévaux, que lui avait bien lus. Il avait organisé avec Monnoyer un colloque international « The metaphysics of relations », où nombre de chercheurs importants étaient venus proposer des communications de qualité. Il aimait beaucoup de tels moments, où la recherche pure est mise à l’honneur, mais il appréciait tout autant de voir ses étudiants lui remettre des travaux portant sur la théorie des universaux de Duns Scot, Occam ou Abélard, ou des études traitant de Mertz, Lowe, Armstrong ou Russell. Exactement comme il aurait discuté l'article de l'un de ses pairs, il annotait très généreusement les copies de son écriture si particulière, remarquait les idées et critiquait les points de vue. Il était heureux d’avoir reçu de bons travaux et le faisait savoir ; contrairement aux enseignants qui s’endolorissent lorsqu’ils sont contraints d’avouer qu’ils ont lu quelque chose d’excellent, il n’était pas avare de félicitations, et semblait réellement goûter le moment où il faisait honneur, avec générosité, à l’auteur de quelque devoir remarquable. 

Il cherchait comme Wittgenstein les différences et les distinctions, mais le père du Tractatus n’était pas son auteur favori, même s’il pouvait faire cours sans discontinuer sur ses conceptions. Le regretté Jean-Pierre Cometti avait envisagé de faire une conférence sur Wittgenstein et l’humour, en s’appuyant sur quelques remarques que le divin Ludwig avait consacré au sujet : il ne laissait pas, justement, d’être gentiment raillé par Clementz, qui s’étonnait de ce projet, en lui rappelant que s’il y avait bien un trait connu de Wittgenstein, c’est précisément qu’il était tout le contraire d’un joyeux drille. Il préférait Sir Bertrand Russell, évidemment, disait tenir au « Sir » mais c’était pour l’oublier ensuite assez vite. Il en était le grand spécialiste en France, regrettait de n’avoir jamais pu le rencontrer, et le défendait souvent contre ceux qui cherchaient à en atténuer l’aura. Il fallait le voir décrire ces scènes où Russell, s’échinant sur le manuscrit de 1913 et le problème de l’unité de la proposition, était affublé d’un Wittgenstein qui, regardant par-dessus son épaule, le décourageait, moquant ses tentatives en prétendant avoir exploré toutes les facettes du problème, jusqu’à ce que Russell se détourne du sujet : mais François tenait à rappeler que ce renoncement de Russell était certainement moins dû aux critiques de Wittgenstein qu’à son épuisement et à la tristesse causée par divers problèmes sentimentaux de cette époque de sa vie. À celles et ceux qui tentaient de l’interroger ironiquement sur la portée de l’œuvre de Russell – cet « analyticien », comme disait un foucaldien sur le retour – Clementz répondait malicieusement qu’il ne fallait pas écarter trop vite l’idée que Russell fût à considérer, d’une certaine façon, comme l’un des derniers classiques. Comme lui, il n’hésitait d’ailleurs pas à changer de position et à le faire savoir ; il avait le chic pour discuter longuement des divers arguments mobilisés par quelque thèse, parfois de telle manière que personne ne pouvait réellement savoir quelle était sa position finale : ceci était évidemment dû aux limites des connaissances de son auditoire, car François savait bien quelle conception se trouvait renforcée ou infirmée par les arguments qu’il examinait. Ce trait, le Lexicon fameux d’Aix en Provence, à mon souvenir, lui avait aussi offert une place de choix : il y était entré sous l’appellation de « Clementzia ». Il m’écrivait récemment qu’il regrettait pourtant d’avoir négligé les subtilités réelles de la pensée de Meinong alors qu’il travaillait sur le jeune Russell et ses influences : ce qui était aussi, certainement, une forme de politesse, mêlée à une profonde gentillesse : celles et ceux qui le connaissaient savaient bien que de celles-ci, il ne se départissait jamais.  

 

Au sixième étage de l’Université de Provence, celui de l’ancien département de philosophie, il y a des années de cela, la porte s’ouvre soudainement à l’intérieur d’une salle : je vois alors entrer Clementz qui cherche apparemment son groupe d’étudiants, interrompant malgré lui un cours. Il observe intensément l’auditoire, puis repart très vite, sans rien dire. Le revoilà soudain deux ou trois secondes plus tard, qui ouvre de nouveau la porte, encore plus vivement et toujours sans toquer, rejouant la même scène : il fixe une fois de plus l’auditoire de son regard clair et perçant, avant de tourner les talons. L’enseignant dérangé avait dit en soufflant : « ce professeur, eh bien, c’est un empiriste », ce qui nous avait paru un peu court. Deux tropes de Clementz presque exactement similaires se sont ce jour inscrits dans ma mémoire, sans que j’eusse besoin de rien abstraire moi-même, sans force répétitions non plus – le second se distinguant par les petits rires de surprise venus de la salle qui l’avaient nimbé : il est toujours celui que je préfère. 

 

Des années plus tard, je pense à François qui aimait se promener à Versailles, où les jardins commencent à ne plus vraiment être français et se mettent à ressembler aux jardins à l’anglaise, ou encore à rappeler la lande normande : là-bas, il ne risquait pas de croiser quelque jogger crachotant, comme il disait ; il goûtait sans masque les délices de ces promenades, en cette période où la relationnalité des êtres réellement relationnels est mise à mal. J’imagine bien la vision que j’aurai pu avoir, de loin, de sa grande silhouette qu’il déplaçait toujours d’un pas rapide, déterminé et pensant – le même pas que celui par lequel il traversait l’ancien parvis de l’Université de Provence pour rejoindre une salle, discutant quelque argument le long du trajet, avec la subtile ténacité qui le caractérisait ; il se demandait certainement s’il n’allait pas céder au plaisir de l’évoquer devant ses étudiants quelques minutes plus tard. 

 

Bruno Langlet

 

 

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