Motto : Crapula ingenium offuscat. Traduction : "le bec du perroquet qu'il essuie, quoiqu'il soit net" (Pascal).

Ce blog est ouvert pour faire connaître les activités d'un groupe de recherches, le Séminaire de métaphysique d'Aix en Provence (ou SEMa). Créé fin 2004, ce séminaire est un lieu d'échanges et de propositions. Accueilli par l'IHP (EA 3276) à l'Université d'Aix Marseille (AMU), il est animé par Jean-Maurice Monnoyer, bien que ce blog lui-même ait été mis en place par ses étudiants le 4 mai 2013.


Mots-clefs : Métaphysique analytique, Histoire de la philosophie classique, moderne et contemporaine,

Métaphysique de la cognition et de la perception. Méta-esthétique.

Austrian philosophy. Philosophie du réalisme scientifique.

jeudi 27 novembre 2025





Constitution des objets ordinaires et composition des agrégats

 


Guillaume Bucchioni

 


 

Introduction

Le but ici est de proposer la clarification d’une distinction, trop souvent négligée et pourtant fondamentale, entre la composition et la constitution. Ces deux notions jouent un rôle important en métaphysique contemporaine et notamment dans le domaine de l’ontologie des objets matériels et des objets ordinaires, que ce soit à travers la Question Spéciale de la Composition (SCQ) ou celles qui regardent la constitution matérielle[1]. Bien que ces deux notions soient distinctes, leur différence a trop souvent tendance à être ignorée, soit en laissant complètement de côté l’une d’elles au profit exclusif de l’autre, soit en les identifiant l’une à l’autre. Il semble donc nécessaire d’expliciter et de clarifier cette différence. 

  

Pour opérer cette clarification nous choisissons de nous placer dans le cadre « constitutionnaliste » proposé par Lynne Rudder -Baker[2]. Ce cadre propose une théorie de la constitution des objets ordinaires par différents types d’agrégats. La distinction entre la constitution et la composition a commencé à être étudiée[3], cependant nous pensons qu’une analyse plus approfondie, à la fois de la distinction elle-même et des nombreuses conséquences qui en découlent, est un élément essentiel de toute ontologie concernant les objets ordinaires et leurs constituants. Notre objectif ici est de caractériser précisément la nature de la relation de constitution, la nature de la relation de composition, les différents principes régissant ces deux relations, ainsi que les différentes notions de parties qui en découlent. Ce travail nous permettra alors de distinguer deux types d’entités, les agrégats et les objets ordinaires, et de proposer une explication de leurs liens. 

Dans la première section nous dessinons le cadre constitutionnaliste proposé par Baker, de manière à comprendre ce que cela signifie pour un objet d’en constituer un autre. Nous examinerons plusieurs notions importantes dans ce cadre comme celle de sorte primaire, de circonstance favorable, de propriété dérivée et propriété non-dérivée, celle du partage de propriétés, ou celles des pouvoir causaux respectifs du constitué et du constituant.

Dans la seconde section il apparaîtra pour quelles raisons nous devons distinguer la constitution de la composition à partir des propriétés et des principes méréologiques qui caractérisent la composition. 

Enfin dans une troisième et dernière section sont alors notifiées la distinction entre les agrégats et les objets ordinaires, puis le fait qu’il y a deux notions distinctes de « partie ». Nous proposerons alors un exemple de constitution explicitant la façon dont un agrégat peut constituer un objet ordinaire sans être une partie de celui-ci. Nous arriverons, en fin d’analyse, à une conclusion qui paraîtra à première vue surprenante : les objets ordinaires possèdent des parties mais sont néanmoins des simples méréologiques.  

 


1. L’idée générale de constitution

Baker propose la définition suivante de l’idée de constitution :

 

« L'idée fondamentale de la constitution est la suivante : lorsqu'une chose d'une sorte primaire se trouve dans certaines circonstances, une chose d'une autre sorte primaire - une nouvelle chose, avec de nouveaux pouvoirs causaux - vient à exister. » (Baker, 2007, p. 32).

 

La constitution est une relation qui apparaît entre des entités de sortes primaires différentes, lorsque certaines circonstances favorables sont réunies. La chose constituée va posséder des pouvoirs causaux nouveaux par rapport à la chose qui la constitue. Cependant la chose constituée et son constituant ne sont pas deux choses séparées. Elles forment ce que Baker nomme une « unité sans identité ». Cette unité sans identité dépend des notions de propriété dérivée/non-dérivée et de partage de propriétés

Examinons une par une ces notions.

 


1.1 La notion de sorte primaire

La notion de constitution est d’abord intimement liéà celle de sorte primaire des entités. Il s’agit là d'une propriété sortale dun certain type. Baker nous la fait entendre ainsi 

 

« Pour tout x, nous pouvons demander : Qu'est-ce que x est le plus fondamentalement ? La réponse sera ce que j'appelle la "sorte primaire" de x. Tout ce qui existe est exactement d'une seule sorte primaire - par exemple, un cheval, un passeport ou un chou. La sorte primaire d'un objet va de pair avec ses conditions de persistance. » (Baker, 2007, pp. 33-34).

 

La sorte primaire dune chose est ce que cette chose est fondamentalement et cest une propriété en vertu de laquelle une chose possède ses conditions de persistance. 

La sorte primaire dune chose est d’abord sa sorte spécifique au sens où elle détermine le plus fondamentalement ce quune chose est. Ce que je suis le plus fondamentalement serait une personne, selon Baker, et non un être humain, un animal ou un être vivant[4]. Ce que cet appareil est le plus fondamentalement est un ordinateur et non un objet, un artefact, ou un ordinateur noir. Parmi les nombreuses sortes primaires existantes nous trouvons les sortes voiturearbrepierrecarte didentitéstatuequarksagrégats de simples, etc.

La sorte primaire permet ensuite de déterminer les conditions de persistance dune chose.  Toute chose possède essentiellement sa sorte primaire, c’est-à-dire qu’elle ne peut changer de sorte primaire. Par exemple si je suis fondamentalement une personne alors personne est une sorte primaire puisque si je cesse d’être une personne je cesse dexister. A linverse, joueur d’échecs nest pas une sorte primaire puisque je peux continuer dexister en cessant de jouer aux échecs. 

 


1.2 La notion de circonstance

La relation de constitution fait ensuite appel à celle de circonstance : lorsquun morceau dargile, une chose dune certaine sorte primaire, se trouve dans certaines circonstances favorables, une nouvelle chose, dune autre sorte primaire, par exemple une statue, arrive à lexistence. Dans ce cas le morceau dargile constitue la statue. 

Les circonstances favorables sont les circonstances qui vont permettre de provoquer la constitution. Dans le cas du morceau dargile et de la statue, les circonstances favorables sont les propriétés physiques du morceau dargile, lintention de lartiste, les circonstances sociales et culturelles, etc. Les circonstances peuvent être aussi bien physiques quintentionnelles. Les circonstances favorables à la constitution d’une molécule d’H2O par un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogène sont des conditions purement physiques. En revanche, la constitution des objets sociaux ou culturels fait appel, en plus de circonstances physiques, à des circonstances intentionnelles[5]. Il est donc nécessaire que l’objet constituant se trouve dans certaines circonstances pour qu’il puisse constituer l’objet constitué. 

 


1.3 Les différences de pouvoirs causaux entre objet constitué et objet constituant  

Un autre point important lié à la notion de constitution est le fait que lobjet constitué et lobjet constituant ont des pouvoirs causaux différents. Ce fait est expliqué par la différence entre sortes primaires : des objets de sortes primaires différentes ont des pouvoirs causaux différents. La statue possède, par exemple, ses propriétés esthétiques en vertu du fait d’être une statue, en vertu davoir pour sorte primaire statue, alors quelle a une certaine taille et un certain poids en vertu du fait d’être un morceau dargile, en vertu davoir pour sorte primaire morceau d’argile. Cest bien la statue qui cause un sentiment esthétique et non le morceau d’argile et cela parce quelle est une statue. La théorie de la constitution permet alors de reconnaître une causalité spécifique des objets constitués par rapport aux objets constituants. Il est alors possible de distinguer une causalité du sens commun, qui est la causalité des objets ordinaires, d’une causalité microphysique, qui est la causalité des entités physiques constituant les objets ordinaires. 

 


1.4 Les notions de propriétés dérivées/non-dérivées 

Le morceau dargile et la statue ne sont pas de même sorte primaire, ce sont deux objets différents, cependant ils entretiennent un lien trèétroit. Ce lien est en grande partie explicable par la distinction entre avoir une propriété de façon dérivée et avoir une propriété de façon non-dérivée. 

Nous devons en effet distinguer deux façons pour une chose de posséder ses propriétés (et ses propriétés de sortes primaires). Une chose peut posséder sa propriété de sorte primaire de façon dérivée, c'est-à-dire quelle la possède en vertu du fait d’être dans une relation de constitution avec une autre chose. Si ce nest pas le cas, elle la possède de façon non-dérivée. Par exemple la statue possède la propriété de sorte primaire statue de façon non-dérivée (la statue est essentiellement une statue et a les conditions de persistance dune statue) alors quelle possède la propriété de sorte primaire morceau d’argile de façon dérivée, en vertu du fait d’être constituée par un morceau d’argile. Symétriquement le morceau d’argile possède la propriété de sorte primaire morceau d’argile de façon non-dérivée (le morceau d’argile est essentiellement un morceau dargile et a les conditions de persistances dun morceau dargile) alors quil possède la propriété de sorte primaire statue de façon dérivée, en vertu du fait de constituer une statue. 

 


1.5 Le partage de propriétés

La statue et le morceau d’argile sont bien des entités différentes mais elles forment une unité au sens où elles partagent de très nombreuses propriétés. La propriété de sorte primaire ainsi que toutes les autres propriétés que la statue possède de façon non dérivée sont aussi possédées par le morceau de façon dérivée, alors que la propriété de sorte primaire ainsi que toutes les autres propriétés que le morceau possède de façon non dérivée sont aussi possédées par la statue de façon dérivée. Cela nous permet de comprendre pourquoi la constitution n’est ni l’identité ni la séparation radicale. La constitution est ce que Baker nomme une unité sans identité

 

Baker nous propose une définition plus formelle de la constitution. Cette définition répond à 6 desiderata. 

 

« (C*) x constitue y à df. Il existe des propriétés de sortes primaires distinctes F et G et des circonstances G-favorables telles que :

(1) F*et G*y et

(2) x et sont spatialement coïncidents à t, et z(z est spatialement coïncident avec x à et G*→ z = y), et

(3) x est dans des circonstances G-favorables à t, et

(4) Il est nécessaire que : w[(F*wt et w est dans des circonstances G-favorables à t) → z(G*zt et z coïncide spatialement avec w à t)].

(5) Il est possible que : t{(x existe à t et non w[G*wt et wcoïncide spatialement avec à t])}, et

(6) Si x est d'un type basique de stuff, alors y est du même type basique de stuff. » (Baker, 2007, p. 161)

 

(1) exige que la constitution lie des entités qui i) possèdent des sortes primaires et ii) possèdent des sortes primaires différentes. F* est la propriété d’avoir F comme sorte primaire. La constitution ne peut avoir lieu entre des entités de sortes primaires identiques. Une statue ne constitue pas une statue. (2) exige que l’objet constituant et l’objetconstitué soient spatialement coïncidents au moment de la constitution, c’est-à-dire qu’ils occupent exactement la même région de l’espace au même moment. (3) exige l’existence de circonstances favorables à l’apparition de la constitution. Pour qu’un F* constitue un G* il est nécessaire que le F* soit tel dans certaines circonstances. (4) affirme que ces circonstances sont nécessaires : si l'on place un F* dans des circonstances favorables au G*, alors nécessairement, il y aura un G*. (5)  affirme qu'un F* peut échouer à constituer un G* si et seulement si le F* échoue à se trouver dans les circonstances nécessaires favorables à la constitution d'un G*. Enfin, (6) fait de la constitution une relation intra-catégorielle : quelque chose de matériel ne peut constituer quelque chose d’immatériel. Le type basique de stuff (quel qu’il soit) ne doit pas être confondu ici avec la sorte primaire. 

 

Prenons un exemple. Le morceau d’argile constitue la statue à t car ces deux choses ont des sortes primaires différentes (1); elles coïncident spatialement à t (2); le morceau d’argile est dans des conditions statue-favorables à t, des conditions physiques, esthétiques, institutionnelles, intentionnelles, etc. (3); dans ces circonstances le morceau d’argile constitue nécessairement la statue (4); il est possible que le morceau d’argile ne constitue pas la statue (5); et le morceau d’argile et la statue sont tous les deux des entités matérielles (6).

 

Le cadre constitutionnaliste spécifié, passons à la distinction entre la constitution et la composition.

 


2. La constitution n’est pas la composition

Un des points fondamentaux de la théorie de la constitution, telle qu’elle est développée par Baker, est que la relation de constitution n’est pas une relation méréologique[6]. La notion de composition, par contre, est une bien notion méréologique. Il est en effet possible de définir la composition en termes méréologiques de la façon suivante :

 

Les xs composent y = df. (i) les xs sont tous des parties de ; (ii) aucun des xs ne se chevauchent ; (iii) toute partie de ychevauche au moins un des xs

Les notions de « partie » et de « chevauchement » sont des notions méréologiques définies dans le système de méréologie extensionnelle classique (CEM)[7].

Dire qu’une pluralité de choses, des pierres par exemple, composent une chose, un mur, c’est dire que les pierres sont des parties du mur, (i) que les pierres ne se chevauchent pas, c’est-à-dire qu’elles sont disjointes (ii), et que toute partie du mur quelle qu’elle soit chevauche au moins une pierre. 

Cette définition de la composition est très ressemblante avec celle de la somme méréologique.

y est une somme des xs = df. (i) les xs sont tous des parties de y, (ii) toute partie de chevauche au moins un des xs.

La notion de composition est en fait identique à celle de somme méréologique plus la condition de non-chevauchement des xs. La composition est donc une somme méréologique dans laquelle les xs sont disjoints. Il est alors possible de reformuler la notion de composition ainsi : 

est composé des xs = dfy est une somme des xs et les xssont deux à deux disjoints (cest-à-dire quaucune paire de xsna de partie en commun). 

Cette dernière définition montre bien le caractère méréologique de la composition. C’est d’ailleurs ce caractère méréologique de la composition qui va nous permettre de distinguer cette relation de la constitution. Il existe au moins quatre différences fondamentales entre ces deux notions : la décomposition arbitraire, le principe de supplémentation, l’essentialisme méréologique et l’innocence ontologique[8]



2.1 La décomposition arbitraire

La première façon de distinguer la composition de la constitution est de montrer qu’il existe une différence entre la notion de partie méréologique contenue dans la composition et la notion de partie d’un objet constitué. L’idée est que la notion de partie méréologique d’un tout que l’on trouve dans CEM ne permet pas de saisir la notion « intuitive » de partie car dans CEM la décomposition des touts est arbitraire. 

Une décomposition d’un objet O est une pluralité de choses C disjointes telle que toute partie de O chevauche au moins un des C. Prenons l’exemple d’un mur composé de pierres. Nous dirons que les pierres, prises en elles-mêmes forment une décomposition du mur. Elles forment une décomposition du mur car elles sont toutes des parties du mur et ne se chevauchent pas. Cependant cette décomposition du mur n’est pas la seule possible. En réalité il existe un nombre incalculable de décompositions du mur. Le mur peut être décomposé en sa moitié gauche et sa moitié droite, en sa moitié supérieure et sa moitié inférieure, en la totalité des pierres moins une et la pierre restante, en la totalité des pierres moins deux et les deux pierres restantes, etc. Le problème est que toutes ces décompositions sont équivalentes selon la thèse extensionnelle. Cette équivalence des décompositions méréologiques ne pose pas de problème logique. Cependant cela semble aller à l’encontre d’une intuition concernant la décomposition du mur : la décomposition du mur en pierres semble être la bonne décomposition alors que les autres décompositions semblent arbitraires. Ceci est dû au fait que nous avons l’intuition forte que les pierres sont les parties réelles du mur alors que les autres parties, la partie haute et basse, la partie gauche et droite, sont des parties arbitraires. Il semble alors nécessaire de faire une distinction entre les parties méréologiques, qui sont des parties arbitraires, et les parties non-arbitraires. Ces parties non-arbitraires sont celles des objets constitués et non des objets composés. Nous verrons dans la section 3 comment distinguer précisément ces deux notions des parties. 

   


2.2 Le principe de supplémentation 

La seconde différence entre la composition et la constitution provient du principe de supplémentation. Le principe de supplémentation est un axiome de CEM. 

Avec « << » qui symbolise la relation de partie propre et « Ɩ» qui symbolise la relation de disjonction, nous pouvons formuler ce principe ainsi :

 

Principe de Supplémentation : (xy) [(x << y) → (z) [(z << y)  (z Ɩ x)]]

Il signifie que tout objet qui possède une partie propre en possède forcément une seconde. En d’autres termes un objet ne peut pas être composé d’une seule partie propre, d’une seule chose. Cependant il semble bien que lorsque le morceau d’argile constitue la statue, le morceau d’argile soit la seule chose qui constitue la statue. Si tel est le cas alors la relation de constitution contrevient au principe de supplémentation. Cela montre que la relation de constitution n’est pas identique à la relation de composition. Un objet ne peut pas être composé d’une seule chose mais peut être constitué d’une seule chose[9][10].

 


2.3 L’essentialisme méréologique

Une troisième différence entre la composition et la constitution s’accuse entre les sommes méréologiques ou agrégats et les objets ordinaires[11]. Les agrégats sont les objets entrant dans une relation de composition alors que les objets ordinaires sont les objets qui obéissent à la relation de constitution. La distinction en question est le rapport qu’entretiennent ces deux types d’objets au principe de l’essentialisme méréologique (PEM). Chisholm définit formellement PEM ainsi:

« (A) Pour tout x et y, si x est une partie de y alors y est nécessairement tel que x est une partie de y à chaque moment de lexistence de y. » (Chisholm (1976) p. 149).

 

Les agrégats sont soumis à PEM, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent changer de parties alors que les objets ordinaires n’y sont pas soumis, ils peuvent changer de parties sans cesser d’exister. Cette différence est la distinction classique entre les agrégats et les touts intégraux[12]. Par exemple, la différence entre un agrégat, disons un tas de pierres, et un tout intégral, disons un mur constitué de pierres, est que l’agrégat ne peut survivre à la perte d’une seule de ses pierres alors que le mur le peut. Si j’enlève une pierre, en la détruisant, à l’agrégat A, A n’existe plus. Il y a à la place un nouvel agrégat. Par contre je peux détruire une pierre du mur et la remplacer par une autre, j’aurais toujours en face de moi le même mur. 

 


2.4 L’innocence ontologique

Une dernière différence entre la constitution et la composition, liée à la précédente, concerne l’innocence ontologique de la somme méréologique. Les sommes sont ontologiquement innocentes. Ceci signifie deux choses : i) une somme méréologique vient automatiquement à lexistence lorsque ses parties existent et ii) une somme méréologique n’est rien de plus que ses parties. 

 

i) Les sommes méréologiques viennent automatiquement à lexistence lorsque ses parties existent car elles sont soumises au principe de somme générale contenu dans CEM. Ce principe se présente symboliquement ainsi :

 

Le principe de somme générale : (x) [(Fx)]  → (x)(y) [(y o x)  (z) [(Fz)  (y o z)]] , où « o » symbolise la relation de chevauchement à savoir le fait pour deux individus d’avoir une partie en commun.

            

Le principe de somme générale signifie que si un prédicat est satisfait par au moins un objet alors il existe un unique objet constitué de tous les objets satisfaisant ce prédicat. 

Ce principe pose l'existence d'une somme non-restreinte (ou somme générale) pour tout groupe ou toute collection d'objets qui sont des F. Il faut comprendre le fonctionnement du prédicat F comme un engagement sur un domaine ontologique. En effet, une fois que nous avons défini la nature du prédicat, nous avons un domaine ontologique déterminé d'objets satisfaisant ce prédicat. Par exemple, nous pouvons considérer que F est un concept sortal désignant un individu. Dans ce cas les objets qui satisfont le prédicat Fsont des individus. Nous appliquons alors le principe de somme générale à tous les individus et nous pouvons affirmer que pour tous les individus il existe une somme constituée de ces individus, c'est-à-dire une somme ayant pour parties tous les individus. Ce qu'il faut comprendre est que le prédicat F n'est pas une condition de restriction de la somme générale mais qu'il permet de déterminer un domaine ontologique où la somme va s'appliquer de façon non restreinte.

Selon ce principe, s’il existe des objets, alors il existe automatiquement une somme méréologique de ces objets. Le principe de somme générale est aussi connu sous le nom de composition non-restreinte ou duniversalisme de la composition.

 

Luniversalisme de la composition : pour tous xs il y a une somme (ou une fusion) de ces xs.

 

ii) La somme méréologique nest pas un engagement ontologique supplémentaire par rapport à ses parties propres. La somme n'est pas une entité ontologique supplémentaire, elle n'est pas quelque chose de plus que ses parties. Cette caractéristique essentielle de la somme provient de ce que David Lewis nomme l'innocence ontologique de la méréologie. Lewis affirme ceci : 

       

« Étant donné un engagement préalable, disons, envers les chats, un engagement envers les fusions [sommes méréologiques] de chats nest pas un engagement supplémentaire. La fusion nest rien en plus des chats qui la composent. Elle est simplement eux. Ils sont simplement elle. Pris ensemble ou pris séparément, les chats sont la même portion de réalité. » (Lewis 1991, p. 81)

 

Notre seul et unique engagement ontologique se fait donc sur la caractérisation du prédicat F qui nous donne un domaine d'entités. La somme méréologique ne nous engage absolument pas sur de nouvelles entités.

 

Un objet ordinaire ou un tout intégral est différent dun agrégat sous ces deux aspects. D’abord les objets ordinaires ne sont pas soumis au principe de somme générale. Il n’existe pas d’objet composé de la Statue de la Liberté, du pied droit de David Beckham et de la chevelure de Donald Trump alors qu’il y a bien un agrégat, une somme méréologique de la Statue de la Liberté et du pied droit de David Beckham. Ensuite un objet ordinaire est différent de ses constituants. Nous avons vu dans la section précédente qu’un objet ordinaire comme une statue possède des propriétés et des pouvoirs causaux différents de son constituant. A contrario, un agrégat n’est rien de plus que ses parties prises ensemble.

 

Il existe donc de nombreuses raisons de distinguer la composition de la constitution. Les sommes méréologiques ou agrégats sont l’objet de décompositions arbitraires, ils sont soumis au principe de supplémentation, à celui de l’essentialisme méréologique et ne sont rien de plus que leurs parties prises ensemble. Tout cela n’est pas partagé par les objets ordinaires. 

 

Cette distinction faite, nous pouvons passer au lien entre la composition et la constitution.

 


3. La composition des agrégats et la constitution des objets ordinaires

Dans cette section nous allons nous pencher plus en détail sur les liens existant entre la composition et la constitution. Pour ce faire nous allons commencer par distinguer plus précisément les agrégats des objets ordinaires, puis nous expliciterons deux notions distinctes de parties : la partie méréologique et la partie constitutive. Enfin nous proposerons, à l’aide d’un exemple, un modèle permettant de réunir la composition des agrégats et la constitution des objets ordinaires.

 


3.1 Les agrégats et les objets ordinaires

Commençons par distinguer les agrégats des objets ordinaires. Dans le cadre constitutionnaliste décrit dans la section 1, les agrégats sont les constituants ultimes des objets ordinaires. Baker exprime ce fait ainsi :

 

« Les sommes ne sont pas identiques aux objets ordinaires, mais elles constituent des objets ordinaires à différents moments. () Les sommes sont les constituants ultimes : certains constituants sont eux-mêmes des objets constitués (comme un morceau de tissu qui constitue un drapeau) ; mais tous les objets constitués sont finalement constitués par des sommes de particules physiques. » (Baker, 2007, p. 185)

 

Baker distingue donc les sommes des objets ordinaires. Cette distinction peut être comprise d’après les quatre caractéristiques développées dans la section 2. Les sommes, ou les agrégats, sont les constituants ultimes des objets ordinaires. Par constituant ultime nous devons comprendre le fait que tout objet ordinaire quel qu’il soit est en dernière analyse, ou fondamentalement, constitué d’un agrégat de « particules physiques » ou de simples[13]

Pour comprendre cela imaginons différents cas de ce que nous nommerons des déconstitutions. De la même façon qu’un objet composé, un agrégat, peut être décomposé en parties, nous dirons qu’un objet constitué, un objet ordinaire, peut être déconstitué en constituants.  

Le premier cas qui peut nous apparaître est celui où un objet ordinaire est constitué par un objet ordinaire. Par exemple un morceau de tissu constitue un drapeau, un morceau de marbre constitue une statue, un morceau de métal constitue un pendentif. Dans ces exemples, le morceau de tissu, le morceau d’argile et le morceau de métal sont, au même titre que les objets qu’ils constituent, des objets constitués. Ce ne sont pas des agrégats puisque, par exemple, à l’inverse des agrégats, ces objets peuvent survivre à la perte d’une ou de plusieurs de leurs parties. Le morceau de tissu peut par exemple être déchiré dans le coin droit et continuer d’exister. La déconstitution du drapeau en morceau de tissu est donc une déconstitution d’un objet ordinaire en un autre objet ordinaire.   

Le second cas est celui d’un objet ordinaire qui est constitué d’un agrégat d’objets ordinaires. Une table par exemple est constituée d’un tableau et de quatre pieds. Une montre est constituée de différents rouages et d’aiguilles. Le tableau, les quatre pieds, les rouages et les aiguilles sont des objets ordinaires comme la table et la montre. En effet ces objets peuvent, comme dans le cas précédent, survivre à la perte de parties. Le pied de la table, par exemple, peut être rayé, perdre quelques simples, il continuera d’exister. La déconstitution de la table en tableau et pieds est une déconstitution d’un objet ordinaire en agrégat d’objets ordinaires. Il est important de signaler qu’un agrégat d’objets ordinaires est un véritable agrégat. Il obéit aux quatre caractéristiques vues plus haut. L’agrégat du tableau et des quatre pieds est notamment soumis à l’essentialisme méréologique et à l’innocence ontologique. De ce fait l’agrégat ne peut survivre à la perte d’une de ses cinq parties. De plus l’agrégat n’est rien en plus de ses cinq parties. L’agrégat n’est donc pas identique à la table puisque celle-ci peut survivre à la perte de certaines de ses parties et est quelque chose de plus que ses parties prises ensemble.  

Un troisième cas est celui que nous pouvons appeler la déconstitution ultime. L’idée est que tout objet ordinaire a pour déconstitution ultime un agrégat de simples[14]. Une table est constituée par un agrégat dun tableau et de quatre pieds. Le tableau et les quatre pieds sont eux-mêmes constitués par un agrégat de polymères naturels que sont la cellulose, la lignine et lhémicellulose. Ces polymères sont eux-mêmes constitués par un agrégat de molécules qui sont elles-mêmes constituées ultimement par un agrégat de simples. Ces agrégats de simples sont donc les constituants ultimes de tous les objets ordinaires.

 


3.2 Les notions de parties

Puisque les agrégats et les objets ordinaires sont définis par des relations différentes, respectivement la relation de composition et la relation de constitution, nous allons distinguer deux types de parties correspondant à ces deux types d’entités. Baker propose de spécifier la notion de partie méréologique, qui s’applique uniquement aux agrégats, de la notion de partie d’objet ordinaire, qui s’applique uniquement aux objets ordinaires.  Nous nommerons une partie d’objet ordinaire : « partie constitutive »[15]. Elle propose alors de définir la partie constitutive à l’aide de la partie méréologique :  

 

x est une partie constitutive de y à t = df (z) [(x  z (<<z (Czyt)][16]

 

Où « C » symbolise la relation de constitution. Cette définition revient à dire que x est une partie constitutive de yà t si et seulement si x est une partie propre méréologique d’un agrégat qui constitue y en t

 

Cette distinction entre partie constitutive et partie méréologique et cette définition a de nombreuses conséquences. 

D’abord, si un agrégat constitue un objet ordinaire à t alors cet agrégat n’est ni une partie méréologique ni une partie constitutive de l’objet. La relation de constitution n’est pas une relation de partie à tout. L’agrégat constitue un objet sans en être une partie, quel que soit le sens que nous donnons à la partie. 

Ensuite, si un agrégat d’atomes constitue une montre à talors les atomes ne sont pas des parties méréologiques de la montre. Les atomes sont des parties méréologiques de l’agrégat d’atomes. La relation de partie méréologique ne s’applique qu’aux agrégats. De plus les atomes ne sont pas des parties constitutives de l’agrégat d’atomes car la relation de partie constitutive ne s’applique qu’aux objets ordinaires. Par contre les atomes sont des parties constitutives de l’objet ordinaire du fait qu’ils sont des parties méréologiques d’un agrégat qui constitue l’objet ordinaire. 

Enfin la conséquence de ceci est que, puisque les objets ordinaires ne possèdent pas de parties méréologiques, ils sont des simples méréologiques. En effet, un simple méréologique est une entité qui n’a pas de parties propres. En utilisant « At » pour symboliser l’atome ou le simple, nous pouvons formuler la définition suivante :

 

Le simple méréologique : [At x ≡ ~(z) (z << x)]

Cette définition se lit ainsi : x est un atome si et seulement si il n’y a pas d’individu z tel que z est une partie propre de x.   

 

Ceci est une conséquence importante de la distinction des deux sortes de parties. Sans entrer dans les détails nous devons signaler que cette conséquence a des répercussions notables concernant les problèmes que rencontrent les objets ordinaires en métaphysique contemporaine. En effet, de nombreux problèmes ou paradoxes concernant les objets ordinaires sont des problèmes méréologiques au sens où ils sont liés à des considérations méréologiques concernant les objets ordinaires ; pensons notamment au paradoxe sorite ou au problème du trop grand nombre[17]. Les différentes réponses qui ont été proposées à ces problèmes font toujours appel à des théories de la composition et se révèlent très peu convaincantes : elles ont souvent pour conséquence de nier l’existence des objets ordinaires[18]. La solution se trouve peut être dans la reconnaissance de la simplicité méréologique des objets ordinaires. Pour paraphraser le titre d’un article célèbre de Matthew McGrath, nous n’avons pas besoin d’affirmer « pas d’objets, pas de problèmes », nous avons seulement besoin d’affirmer « pas d’objets ordinaires composés, pas de problèmes »[19]

 


3.3 Un exemple d’objet ordinaire constitué par des agrégats 

Pour terminer cette section nous souhaitons analyser un cas concret de constitution d’objet ordinaire.

 

Considérons qu'une table, que nous appellerons « Tab », est constituéà t dun agrégat, que nous appellerons « Agg », qui est la somme méréologique dun plateau, nommé « Plat » et de quatre pieds, nommés « Pieds ». Agg n’est ni une partie constitutive, ni une partie méréologique de Tab. Tab est un simple méréologique. Cependant Tab possède des parties constitutives. Tab a comme parties constitutives Plat et Pieds à t car Plat et Pieds sont des parties méréologiques de Agg à t et Agg constitue Tab à t.

Considérons maintenant que Plat à t est constitué dun agrégat de simples, que nous nommerons « Simp », parmi lesquels nous trouvons le simple nommé « S ». S est une partie constitutive de Plat à t car il est une partie méréologique de Simp à t et Simp constitue Plat à t. De plus S est une partie constitutive de Tab à t car cest une partie méréologique de Simp à t qui constitue ultimement Tab à t. Par contre S n’est une partie méréologique ni de Plat ni de Tab. 

Imaginons maintenant qu’à t1, un moment après t, Tab subisse un choc. Ce choc se produit sur la surface de Plat et S est détruit[20]. Plat est alors constitué à t1 dun nouvel agrégat de simples, que nous nommerons « Simp’ », dans lequel il ny a plus S. Plat existe toujours à t1 bien quil ne soit plus constitué du même agrégat. Puisque Plat existe toujours à t1 alors Tab est toujours constituée par Agg à t1. Cependant à t1 S nest plus une partie ordinaire de Plat car il nest pas une partie méréologique de Simp’ à t1. Tab est donc, à t1constituée par le même agrégat qu’à t, à savoir Agg, mais ne l’est plus par lagrégat Simp. 

Pendant une certaine période de temps, disons de t à t1, un objet ordinaire peut donc être constitué par le même agrégat d’objets ordinaires tout en étant ultimement constitué par des agrégats différents.

 


4. Quelques conséquences

Pour conclure cette courte étude nous aimerions mettre en lumière quelques conséquences importantes de la distinction que nous avons faites entre la relation de constitution et la relation de composition.

La première est que cette distinction permet de faire sortir la problématique de l’existence et de la nature des objets ordinaires du stricte cadre de la question spéciale de la composition (QSC) dans lequel elle se développe depuis l’ouvrage référence de van Inwagen paru en 1990[21]. Depuis ce travail métaphysique important, la réflexion philosophique portant sur les objets ordinaires a consisté presque exclusivement à produire et à justifier une théorie de la composition permettant de déterminer les conditions pour qu’une pluralité de simples composent un objet unitaire. Cette réflexion a poussé une grande partie des métaphysiciens à adopter des positions radicales concernant la composition que ce soit l’universalisme de la composition ou bien le nihilisme de la composition. Ces thèses ont majoritairement pour conséquence d’entraîner des théories éliminativistes ou réductionnistes des objets ordinaires. Les grandes difficultés à formuler une théorie de la composition restreinte non brute[22] a pour conséquences d’écarter la formulation d’une théorie véritablement réaliste des objets ordinaires, théorie dans laquelle ces objets ont une existence à part entière et ne sont pas réduit à des portions de matières ou des agrégats de simples. L’acceptation du fait que la relation « créatrice » des objets ordinaires n’est pas celle de la composition mais plutôt celle de la constitution nous permet alors d’éviter les problèmes que rencontre la composition restreinte tout en pouvant formuler une théorie réaliste des objets ordinaires[23]

Ceci est d’ailleurs une seconde conséquence importante de la distinction entre composition et constitution. Comme nous l’avons vu, le cadre constitutionnaliste que nous avons développé plus haut nous place d’entrée de jeu dans une position réaliste concernant les objets ordinaires en leur reconnaissant des propriétés sortables propres et des pouvoirs causaux nouveaux par rapport à leurs constituants. Cette conséquence nous paraît intéressante car elle nous oblige à développer une typologie des différents objets ordinaires étant donné qu’ils ne peuvent être simplement identifier aux objets physiques qui les constituent. Cette typologie doit rendre compte aussi bien des différences entre les types d’objets ordinaires (les objets naturels inanimés, les objets, naturels animés, les artéfacts techniques, les objets culturels, les objets sociaux, etc.,) que des liens que ceux-ci entretiennent avec leurs différents constituants. Cette typologie n’a pas reçu jusqu’à présent l’attention qu’elle mérite à cause des positions éliminativistes ou réductionnistes qui, comme nous l’avons signalé, ont été majoritaires concernant les objets ordinaires. 

Enfin une conséquence importante de la distinction entre composition et constitution est la reconnaissance du rôle important que joue l’intentionnalité dans la constitution des objets ordinaires. Les objets ordinaires, ou à tout le moins une grande partie d’entre eux, sont, d’après la théorie constitutionnaliste, des objets intentionnellement dépendants. Une définition plus précise de ce caractère intentionnel ainsi qu’une différenciation des formes de dépendances intentionnelles en fonction des différents types d’objets ordinaires reste encore à construire[24].   

 


Conclusion

Les relations de composition et de constitution sont des relations différentes. La reconnaissance de ce fait a un impact significatif sur l’ontologie des objets matériels et des objets ordinaires. Dans cet article nous avons essayé de montrer quelle est cette différence et de quelle façon nous pouvons la comprendre. Nous avons montré que cette différence nous permet de faire des distinctions importantes entre les agrégats et les objets ordinaires et entre les parties méréologiques et les parties constitutives. Elle permet aussi d’envisager nouvellement les relations entre les agrégats et les objets ordinaires. Nous avons également esquissé quelques conséquences intéressantes qui découlent de cette distinction. Il reste néanmoins de très nombreuses conséquences à expliciter et à explorer. Il ne serait pas surprenant que cette distinction nous permette alors de résoudre de nombreux problèmes posés par les objets ordinaires.

 

 

 

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[1] Pour une analyse détaillée de SCQ et des différentes théories de la composition, voir Markosian (1998a, 2008) et van Inwagen (1990). Pour une analyse des problèmes de constitution matérielle et des différentes réponses proposées, voir Baker (2007), Paul (2010) et Rea (1995, 1997).

[2] Lynne Rudder Baker propose sans conteste la théorie de la constitution la plus développée et la plus systématique que nous puissions trouver aujourd’hui. Nous trouvons cette théorie dans de nombreux travaux, voir Baker (1997, 1999, 2000, 2007). 

[3] Voir Evnine (2011) et Baker (2007, pp. 181-198).

[4] Ceci est le cas si l’on accepte la théorie de la constitution des personnes. Dans cette théorie, ce que je suis fondamentalement c’est une personne et non un organisme. Par contre, si l’on accepte l’animalisme, par exemple, ma sorte primaire sera animal car ce que je suis fondamentalement selon cette théorie est un animal. Pour une analyse des théories sur notre nature métaphysique, voir Olson (2007).

[5] C’est ce qui permet de comprendre pourquoi les objets sociaux et culturels sont ce que Baker nomme des « ID objets », des objets intentionnellement dépendants. Pour une analyse des ID objets, voir Baker (2007).

[6] Nous n’allons pas dans ce qui suit proposer une défense du caractère non-méréologique de la relation de constitution. Bien plutôt nous prenons cette caractéristique comme point de départ de l’analyse pour en examiner les conséquences les plus importantes.

[7] Pour une description de CEM et des différentes notions méréologiques qu’il contient, voir Bucchioni (2016), Cotnoir et Varzi (2021) et Simons (1987).

[8] Nous trouvons une analyse des deux premières différences chez Evnine (2011). Les deux secondes sont plus classiques et ont été examinées notamment par Baker (2007).

[9] Il est intéressant de noter que Brentano remet en cause le principe de supplémentation dans sa théorie de la substance. En effet, selon Brentano la substance est la seule partie propre de l’accident. Ceci montre que la relation entre la substance et l’accident n’est pas une relation méréologique classique. Elle est en réalité plus proche d’une relation de fondation. Pour une analyse de la relation brentanienne entre substance et accident, voir Bucchioni et Iglésias (2019), et Smith (1987).  

[10] Johnston (2005) et Koslicki (2008) proposent des solutions à ce problème, solutions qui sauvegardent l’identité de la composition et de la constitution. Johnston propose de rejeter simplement le principe de supplémentation alors que Koslicki accepte l’existence de parties formelles en plus de la partie propre morceau d’argile. Evnine (2011) montre pourquoi ces solutions ne sont pas satisfaisantes. 

[11] Par objet ordinaire nous entendons ici les objets familiers avec lesquels nous interagissons quotidiennement. Les objets ordinaires sont les statues, les tables, les chats, les personnes, les arbres, etc. Nous utiliserons les termes de « somme méréologique » et « agrégat » comme synonymes. Dans la suite de notre analyse nous utiliserons ces termes de façon équivalente. Nous reviendrons en détail sur la distinction entre agrégat et objet ordinaire dans la section 3.

[12] Pour une analyse de cette distinction, voir Bucchioni (2015).

[13] La notion de « particules physiques » fait référence ici aux particules élémentaires postulées par nos théories physiques. Ce sont les quarks, les leptons, les bosons et les électrons. Ils correspondent au stade final de décomposition. Ils peuvent être considérés comme des simples méréologiques. Pour une description de ce que peut être un simple méréologique, voir Markosian (1998b), et McDaniel (2007). Dans la suite de notre examen nous utiliserons la notion de simples pour désigner les composants des agrégats.

[14] L’idée de déconstitution ultime est à mettre en parallèle avec l’idée de décomposition ultime. De la même manière qu’un agrégat a pour décomposition ultime des simples un objet ordinaire a pour déconstitution ultime un agrégat de simples.

 

[15] Le terme « partie constitutive » représente une notion non-méréologique de partie. Le terme « partie constitutive » dénote une partie non-méréologique d’un objet ordinaire. Nous allons examiner cette notion dans l’analyse qui suit.

[16] Nous trouvons une définition similaire dans Baker (2007), p. 188.

[17] Pour une exposition détaillée des différents problèmes posés aux objets ordinaires, voir Korman (2015).

[18] Pour une exposition des théories de la composition et des thèses éliminativistes concernant les objets ordinaires, voir Bucchioni (2015), Korman (2015), Markosian (1998a) et van Inwagen (1990).

[19] Nous faisons référence ici à l’article de McGrath (2005).

[20] Bien quil soit très peu probable quun choc puisse détruire un simple, nous choisissons ce scénario pour des raisons de simplicité. Si S est détruit, alors Agg est détruit aussi. La simple séparation de S de Agg ne permet pas de conclure à la destruction de Agg étant donné que les agrégats sont des entités éparses : ils existent tant que leurs parties existent, peu importe la connexion des parties. 

[21] Nous faisons référence ici à Material Beings.

[22] Voir van Inwagen (1990) et Markosian (1998a).

[23] Il est alors possible d’accepter l’universalisme de la composition pour les objets physiques (portions de matière ou agrégat de simples) et une théorie réaliste des objets ordinaires à l’aide de la relation de constitution.

[24] Pour une ébauche de ce que peuvent être ces différentes formes de dépendance voir Bucchioni (2022).

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