L'instance
de la personne (6) : Et si les personnes n'existaient pas ?
Nil
Hours
En
réduisant d'abord l'existence de la personne à un corps, à un esprit, et à des
événements physiques et mentaux reliés entre eux (dans : Reasons and
Persons), puis en rallumant le feu pour tout réduire au cerebrum (le
télencéphale), qui correspond aux fonctions supérieures du système nerveux
central (dans : « We Are Not Human Beings »), Derek Parfit
défend une thèse réductionniste, qui équivaut à une disqualification des
métaphysiques substantialiste de la personne. Mark Siderits rappelle aussi,
dans : Personal Identity and Buddhist Philosophy, que cette théorie
est solidaire d'une réfutation du moi, quelle que soit la définition
non-réductionniste qu'on donne par ailleurs à ce moi : une réalité en
plus des parties qui composent la personne (un fait supplémentaire),
ou bien une seule de ces parties prise en particulier (le vrai moi). De
ce point de vue, Parfit et Bouddha sont en effet d'accord, mais il existe d'innombrables
nuances dans la réalité et le rôle que le réductionnisme continue d'attribuer à
la personne, en fonction de la nature intrinsèque que l'on accorde encore aux
« choses » qui la constituent, et donc aux choses en général.
Pour
les théories réductionnistes constitutives (qui sont celles de Parfit et d'une
forme modérée de bouddhisme) et éliminativistes (propres à une forme plus
radicale de bouddhisme), la personne n'est plus considérée comme pourvue d'une
nature intrinsèque : elle n'est plus une substance de plein droit, un
particulier concret, ou une entité digne de figurer dans une ontologie à part,
comme élément de base. Ce n'est même pas, comme dans l'animalisme, une
propriété de la substance biologique. On peut éventuellement considérer qu'une
personne émerge sur des collections d'événements, des séries en interrelation
causale ou des agrégats psychophysiques, mais bien souvent, on se contente de
la réduire à ces collections, à ces séries ou à ces agrégats. Quelqu'un
peut s'identifier à eux pour des raisons pratiques de maximisation de
l'utilité : c'est légitime. Ce qui l'est moins, c'est le fait que le
langage hypostasie dans un moi, le produit d'une conceptualisation dont
les ressorts sont sociaux et conventionnels, et qui équivaut ultimement (dans
la réalité profonde) à une falsification.
Si la
personne n'est ni une substance, ni même une propriété de la substance, les
conceptions métaphysiques capables de la justifier restent quoi qu'il en soit
peu nombreuses. On peut encore faire de la personne : 1) Une manière
d'être de la substance : un mode ; 2) Une manière de penser la
substance : un faisceau de propriétés ; 3) Une manière de parler,
sans substance : un ensemble. On pourrait donc réviser le concept de « personne »
en fonction du monisme de Spinoza, de la théorie humienne du bundle, ou
du nihilisme de la personne – dont il faut distinguer la version méréologique
contemporaine, de la version ontologique radicale : il n'y a pas de somme
méréologique dans le premier cas, où les personnes ne sont que des
accumulations de particules élémentaires ; il n'y a même pas de particules
élémentaires dans le second, et donc il n'y a en fin de compte rien du tout.
C'est pourquoi on pourrait proposer les concepts révisés de personne modale,
de personne fictive et de personne vide, pour tenter de donner
une traduction métaphysique à la nature de la personne rendue dépendante,
impitoyablement réduite, ou purement et simplement anéantie.
1/
Personnes modales
Chez
Spinoza, les personnes, comme les tables et les chaises, sont des modes finis
de la substance. Il explique (dans : Ethique, I, P28, D), que les
modes ne peuvent pas être déterminés directement par la nature infinie de Dieu
(ou de la substance). A en croire l'interprétation d'Edwin Curley, dans : Spinoza's
Metaphysics. An Essay in Interpretation, il sont partiellement déterminés
par d'autres modes finis, mais aussi par des modes infinis, qui dépendent
directement de la substance – sans quoi les modes finis seraient séparés de la
substance, ce qui contredit leur propre définition (comme affections de la
substance). Mais si les modes finis sont solidaires entre eux (ce qui pose au
passage le problème de leur réalité comme série, et de la dépendance à Dieu,
directe ou indirecte, de cette série), et ne procèdent que partiellement de la
nature divine, faut-il comprendre que les personnes sont des modes de second
rang par rapport aux modes infinis, et ne sont même qu'une affection aléatoire
de la substance ? Répondre à cette question suppose de faire des
hypothèses de « définition spinoziste » de la personne, dans la
mesure où Spinoza n'élabore pas de théorie formelle de l'identité personnelle,
ni même d'anthropologie philosophique au sens strict.
On
pourrait d'abord donner de la personne la définition suivante : un mode
particulier d'un certain attribut de la substance divine. Il s'agirait plus
précisément d'une idée de Dieu, une idée qui serait le mode de l'attribut
« pensée » au sein de la substance divine – puisqu'il y a en Dieu une
idée de l'esprit comme il y a une idée du corps (l'esprit n'étant d'ailleurs
lui-même qu'une idée du corps). Dans ce cas, nous sommes des idées dans
l'esprit de Dieu. Cela rend Spinoza éventuellement coupable
d'averroïsme : il n'y a au fond qu'un seul grand esprit, ou qu'un seul
intellect (thèse du mono-psychisme).
On
peut sortir de cette impasse en attribuant à Spinoza la thèse du parallélisme
psychophysique, voire même de l'identité psychophysique, notamment à partir de
quelques lignes, où il démontre que l'esprit est d'autant plus puissant que le
corps est plus développé (Ethique, V, P39, S). Mais la personne
spinoziste reste toujours indécise, dans la mesure où Spinoza identifie aussi
les esprits avec les idées en Dieu des choses finies – sans introduire l'idée
de « créature », qui instaure, chez Leibniz par exemple, une distance
entre les idées de Dieu et leurs objets. Cette distance, Spinoza s'applique à
l'abolir : « L'ordre et la connexion des idées est le même que
l'ordre et la connexion des choses » (Ethique, II, P7). Il est donc
peut-être difficile de voir en Spinoza un précurseur de la théorie de
l'identité psycho-neurale, parce qu'en réalité il n'arrive pas à donner une
conception unifiée de l'esprit humain et de sa relation avec le corps, comme
Margaret Wilson y insiste dans : Ideas and Mechanisms. Essays on Early
Modern Philosophy. Wilson conteste en particulier la capacité de l'esprit
spinoziste à se représenter les choses. Spinoza affirme en effet que ce qui est
présent dans l'effet doit être présent dans la cause : c'est à ce titre
que les affections du corps humain « représenteraient » les corps
externes. Mais c'est là une ressemblance beaucoup trop vague pour donner lieu à
une théorie valable de la représentation : comme chaque cause physique a
quelque chose en commun avec chaque effet physique, à la rigueur, tout est
représentation.
Wilson
estime aussi que l'esprit défini comme l'idée (en Dieu) du corps, a des
conséquences intenables : l'esprit sait tout ce qui arrive au corps, et
surtout tous les corps ont un esprit. De ce point de vue, Spinoza
sombrerait dans le pan-psychisme (selon lequel tout a un esprit). En effet,
« tout connaît Dieu », tous les esprits de tous les corps connaissent
adéquatement Dieu, ou pour le dire comme Spinoza : « Toute idée d'un
corps ou d'une chose singulière quelconque existant en acte enveloppe
nécessairement l'essence éternelle et infinie de Dieu » (Ethique,
II, P45).
Comment
se faire de la personne comme mode de la substance une image adéquate, si on ne
peut pas identifier avec certitude la théorie de l'esprit qui est celle de
Spinoza, et si on ne peut pas non plus trancher entre la thèse du
mono-psychisme, celle du parallélisme (ou de l'identité) psychophysique, et
celle du pan-psychisme ? Michael Della Rocca, qui défend la thèse du
naturalisme et du rationalisme intégral de Spinoza, donne une solution
convaincante en faisant appel à la thèse de l'éternité de l'esprit humain. Il
s'agirait, selon lui, de se conformer toujours davantage aux idées adéquates,
qui procèdent de la nature de Dieu, et sont les seules vraiment réelles, afin
de participer, de façon immanente, à l'éternité de Dieu. « En augmentant
le nombre d'idées adéquates que nous avons, et en acquérant des idées
elles-mêmes toujours plus adéquates, nous parvenons à un plus grand degré
d'existence. Nos idées peuvent être envisagées comme étant plus complètement en
Dieu, plus complètement intelligibles, et donc plus éternelles. La quête
d'éternité n'est ainsi pas, pour Spinoza, une quête dirigée vers une autre
forme d'existence qui succéderait à celle-ci ou qui serait distincte de
celle-ci : c'est plutôt la quête d'une réalisation d'un plus haut degré
d'existence dans cette vie même. En d'autres termes, l'éternité – d'un certain
genre, et jusqu'à un certain degré – est quelque chose à quoi nous pouvons
parvenir ici-bas, en ayant des idées plus adéquates. L'éternité est donc
immanente, propre à cette vie, et non séparée d'elle. Elle est à ce titre
caractéristique du naturalisme et du rationalisme de Spinoza, qui rejette toute
forme de bifurcation entre des genres d'existence isolés » (Spinoza,
pp. 272-273).
Steven
Nadler, dans : Spinoza's Heresy. Immortality and the Jewish Mind,
estime que cette thèse est un héritage de la philosophie juive, et même la
culmination du rationalisme juif. Il rappelle que Spinoza ne conçoit pas Dieu
comme une substance au sens cartésien, un sujet ou un substrat, mais comme la
cause universelle, conceptuelle et causale, de toute chose. Par ailleurs,
Spinoza conteste toute immortalité au sens de « sauvetage de
l'esprit » : à la mort, les idées adéquates « reviennent »
dans l'intellect infini de Dieu. L'esprit éternel est, comme chez Della Rocca,
une collection d'idées adéquates dans lesquelles nous « puisons »
pendant notre vie personnelle : c'est pourquoi « nous sentons et nous
éprouvons que nous sommes éternels » (Ethique, V, P23, S).
Le
mode de la substance correspond donc chez Spinoza à un double éloignement,
conceptuel et causal, de la personne vis à vis de l'être existant en soi et par
soi, mais aussi à une participation immanente et immédiate (qui est aussi
provisoire et progressive) à l'éternité de Dieu. La réalité de la personne
modale est affaiblie comme affection de la substance, mais consacrée comme idée
de Dieu. Autrement dit, les res singulares, les choses
singulières que sont les personnes, sont doublement éloignées de Dieu, dont
elles sont aussi des manifestations particulières, capables d'avoir une
idée de leur propre confusion avec la substance éternelle – sans qu'on sache
d'ailleurs si cette participation à l'éternité soit une démarche théorique
(comprendre le déterminisme qui nous enveloppe par la pratique des sciences
positives) ou mystique (dans la fusion ontologique avec la substance).
Cette
réalité ambiguë du mode de la substance nous permet en tous cas de penser que,
pour Sinioza, nous n'existons jamais de manière indépendante, et que notre
propre essence ne nous appartient pas comme une chose séparée. Dans ce cas,
nous n'existons pas comme nous pensons généralement exister : nous sommes
des personnes moins substantielles, moins individuelles et moins ultimes que
nous le supposons. Mais sommes-nous encore quelque chose, si nous ne
sommes pas véritablement une chose en particulier ?
2/
Personnes fictives
Richard
Sorabji rappelle, dans : Self. Ancient and Modern Insights about
Individuality, Life and Death, que les Grecs s'étaient déjà interrogés sur
la possibilité de différencier des individus d'une même espèce, à l'aide
d'hypothèses qui préfigurent la théorie du faisceau. Pourquoi les propriétés
d'un individu ne pourraient-elles pas se retrouver à l'identique dans un autre
individu ? (il faudrait les distinguer comme autant de collections de
tropes). Pourquoi la substance ne serait-elles pas un conglomérat de
propriétés, au lieu d'en être le sujet ? (la substance ne serait rien
d'autre qu'un complexe de propriétés). Pourquoi les corps ne seraient-ils pas
des faisceaux d'idées divines ? (c'est d'une certaine façon ce que pensait
Spinoza).
L'interrogation
de David Hume présente néanmoins une différence notable avec toutes celles qui
l'ont précédées : il ne fait plus de l'investigation du moi ou de la
personne (chez lui, les deux termes sont synonymes), l'objet d'un raisonnement
métaphysique, mais le résultat d'une investigation expérimentale. Il ne spécule
pas sur le moi : il part à sa recherche pour en faire l'expérience. Or, il
n'y parvient pas, et conclut en sceptique que notre moi n'est qu'un faisceau de
perceptions. On ne sait pas très bien, toutefois, s'il faut porter la
conception de Hume au seul crédit de la « bundle theory » du moi, ou
s'il faut aller jusqu'à en faire une expression de la « no-self
view » : la substance du moi est-elle redéfinie comme une collection
de propriétés, ou bien est-elle purement et simplement niée, jusqu'à faire du
moi un « sujet vide » ?
Il est des philosophes qui imaginent qu’à tout instant nous sommes
intimement conscients de ce que nous appelons notre moi, que nous
sentons son existence et sa continuité dans l’existence, et que nous sommes
certains, par une évidence plus claire que celle de la démonstration, de sa
parfaite identité et de sa parfaite simplicité. (…) Vouloir en donner une
preuve supplémentaire serait en affaiblir l’évidence, puisqu’aucune preuve ne
peut se tirer d’aucun fait dont nous ayons une conscience aussi intime ;
et il n’y a rien dont nous puissions être certains si nous doutons de ce fait.
Malheureusement, toutes ces affirmations péremptoires sont contraires à
l’expérience même qu’on invoque en leur faveur, et nous n’avons pas d’idée du moi
de la manière qu’on dit. Car de quelle impression cette idée pourrait-elle
être dérivée ? (…) À toute idée réelle, il faut une impression qui soit à
son origine. Mais le moi ou la personne n’est pas une impression ; il est
ce à quoi nos diverses impressions et idées sont censées se rapporter. Si une
impression donne naissance à l’idée du moi, cette impression doit demeurer
invariablement la même, durant tout le cours de notre vie, puisque le moi est
supposé exister de cette manière. Mais il n’y a pas d’impression constante et
invariable. (…)
Pour ma part, quand je pénètre au plus intime de ce que j’appelle moi,
je tombe toujours sur telle ou telle perception particulière, de chaud ou de
froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. À
aucun moment je ne puis me saisir moi sans saisir une perception, ni ne
puis observer autre chose que la dite perception. Quand pour un temps je n’ai
plus de perceptions, dans un profond sommeil par exemple, je cesse d’avoir
conscience de moi-même pendant ce temps ; et on peut dire vraiment que
je n’existe pas. Et si j’étais privé par la mort de toute perception et que je
pusse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de
mon corps, alors je serais entièrement réduit à rien et je ne vois pas ce qu’il
faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. (…)
[J’]ose affirmer du reste des hommes qu’ils ne sont rien d’autre qu’un
faisceau ou une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes
les autres avec une inconcevable rapidité et qui sont dans un perpétuel flux et
mouvement. Notre œil ne peut tourner dans son orbite sans varier nos
perceptions. Notre pensée varie encore plus que notre vue ; et tous nos
autres sens, toutes nos autres facultés participent à ce changement ; et
il n’y a pas un seul pouvoir de l’âme qui demeure le même un seul moment ou
presque, sans se modifier. L’esprit est une sorte de théâtre où diverses
perceptions font successivement leur apparition ; elles passent,
repassent, se perdent, et se mêlent en une variété infinie de positions et de
situations. Il n’y a en lui proprement ni simplicité à un moment, ni identité
dans des moments différents, quel que soit notre penchant naturel à
imaginer cette simplicité et cette identité. La comparaison avec le théâtre ne
doit pas nous égarer. Les perceptions successives sont seules à constituer
l’esprit ; et nous n’avons pas la moindre notion du lieu où ces scènes
sont représentées ni des matériaux dont il est constitué.
Qu’est-ce qui nous donne donc un si fort penchant à attribuer une identité
à ces perceptions successives et à supposer que nous jouissons d’une existence
invariable et ininterrompue pendant tout le cours de notre vie ? (…)
L’action de l’imagination par laquelle nous considérons l’objet qui est
invariable et ininterrompu, et l’action par laquelle nous réfléchissons à une
succession d’objets reliés sont senties presque de même manière et il ne faut
pas beaucoup plus d’effort de pensée pour la seconde que pour la première. La
relation facilite la transition de l’esprit d’un objet à l’autre et rend son
passage aussi aisé que s’il contemplait un objet continu. Cette ressemblance
est la cause de la confusion et de l’erreur, et nous fait substituer la notion
d’identité à celle des objets reliés. (…) Afin de justifier à nos yeux cette
absurdité, nous feignons souvent quelque principe nouveau et inintelligible qui
lie les objets entre eux et en prévient l’interruption et la variation. Ainsi
nous feignons l’existence continue des perceptions de nos sens pour supprimer
l’interruption ; et nous donnons dans les notions d’âme, de moi et
de substance, pour masquer la variation (Traité de la nature humaine,
I, IV, VI, §§1-6).
Jonardon
Ganeri note, dans : The Self. Naturalism, Consciousness and the
First-Person Stance, que l'angoisse de Hume provient d'une attente
déçue : il veut observer le moi comme on observe une table, dont la
cohérence des parties précède l'analyse. Mais d'après Ganeri, Hume commet une
« erreur de procédure », car on ne peut pas contempler le moi, comme
unité mentale, par le biais d'une introspection. Le moi est en effet le fait
même d'avoir des perceptions, et non pas le support ni même l'ensemble de
ces perceptions. Donc, l'inexistence du moi tel qu'en général on le conçoit ne
peut pas être valablement démontrée par une procédure empirique – mais une
procédure méthodologique, en revanche, s'acquitte très bien de cette tâche.
Ainsi, le bouddhisme ne « découvre » pas dans le moi une séquence causale,
mais une grappe d'événements, dont la structure n'est qu'apparente et se réduit
à un simple phénomène.
Comme
agrégation inconstituée de membres désunis, le bundle dénonce en fait un
écart ontologique entre une réalité phénoménale, et la conceptualisation
qu'elle suscite : la substantivation, ou le fait d'hypostasier un concept,
équivaut à figer la réalité dont on prétend rendre compte. Il faudrait donc
poser une question épistémologique préalable : comment nommer les
choses en leur absence ? Se risquer à nommer ce qui se dissipe dès
qu'on l'interroge, c'est aussi prendre le risque de rendre les choses
inintelligibles, comme l'explique Robert Sokolowski, dans : Phenomenology
of the Human Person. Il identifie plusieurs étapes dans la délicate
théorisation des choses absentes. 1) On court d'abord le risque du vague, en
employant un terme fautif. Le bundle est-il un bouquet, un paquet ou un
faisceau ? En parlant ainsi, ne fait-on pas déjà du bundle une
sorte de chose ? Peut-être faudrait-il préciser : un bouquet sans
ficelle, un paquet sans emballage, un faisceau sans projecteur. 2) On affronte
ensuite le danger de la nominalisation. D'après Sokoloswki, donner un nom
(approprié cette fois) est un accomplissement de l'intelligence, qui se rend
maître de son objet avec une finesse toujours plus grande. Mais dans le cas
d'espèce, on peut continuer à penser que toute forme de conceptualisation est
une falsification. Si en effet le bundle n'a pas de nature intrinsèque
ou de réalité ultime, le simple fait de l'hypostasier crée une réalité fictive.
3) On peut enfin se résoudre à l'ineffable. Si ce dont on parle n'a pas
d'équivalent linguistique, il faut soit cesser d'en parler, soit en parler
différemment, soit en parler « ironiquement ». Dans le premier cas,
en effet, le bundle signe la disparition de la chose qu'on avait
l'ambition de découvrir, mais dont on ne rencontre au fond que les cendres. Or,
cela pousse à la suppression des personnes de nos ontologies
récapitulatives : elles finissent par avoir le même statut que l'éther ou
les esprits animaux, c'est-à-dire le statut de mythes philosophiques. On
aboutit aux recommandations bien connues de Wittgenstein. Dans le second cas,
les personnes figurent éventuellement dans nos ontologies, mais elles sont
réductibles à leurs éléments constitutifs – dont pourtant elles se
distinguent : selon que la personne émerge ou pas, on peut la conserver ou
non comme entité séparée. Parfit semble indifférent à l'émergentisme, et il se
montre favorable à la désinscription des personnes de la liste des entités
fondamentales, tout en considérant que les personnes existent ; tandis que
les personnalistes bouddhistes (l'école Pudgalavada) font de la personne une
réalité émergente à part. Dans le troisième cas, enfin, les personnes doivent
être rayées de nos ontologies fondamentales car elles ne se distinguent pas de
ces perceptions dont parle Hume, mais on peut continuer à en parler en faisant
comme si les personnes existaient, parce que cela est plus commode et plus
utile (même s'il faut distinguer, comme on l'a dit, entre un réductionnisme
bouddhiste proche de celui de Parfit, et un autre plus radical, qui va jusqu'à
nier la nature intrinsèque des « perceptions » elles-mêmes, ce qui
rend plus difficile encore la distanciation ironique à l'égard du terme de
personne, et peut donc justifier... le quiétisme).
La
différence de fond a trait à la conception qu'on se fait de la réalité
ultime : soit les personnes n'existent pas mais les choses continuent à
exister ; soit les personnes n'existent pas, mais les choses n'existent
pas non plus, en dehors des particules élémentaires dans certains cas ou des
propriétés dans certains autres ; soit, enfin, ces particules élémentaires
elles-mêmes n'existent pas : il n'y a donc pas de réalité ultime, et il
n'y a pas plus de personnes qu'autre chose. On pourrait donc distinguer un
anti-réalisme sélectif dans le premier cas, modéré dans le second, et global
dans le troisième.
La
leçon à tirer de la théorie humienne du faisceau reste donc une question ouverte.
Galen Strawson, dans : Selves. An Essay In Revisionary Metaphysics,
défend à la suite de Hume la thèse d'un moi minimal ou d'un sujet
mince, délivré de la nécessité d'associer un individu totalisant au sujet
de l'expérience. On peut se contenter des « contenus processuels » du
cerveau, c'est-à-dire des synergies constituées, qui sont des « phénomènes
intrinsèquement unifiés du point de vue mental ». Selon lui, nous ne
sommes donc que des « synergies neurales » de courte durée.
L'immédiateté de l'expérience fait de ces sujets des « êtres de
surface », des « centres d'expérience », qui durent ce que
durent les expériences qu'ils ont. Cette thèse implique que nous soyons des
êtres passagers, mais cela confirme d'après lui l'expérience authentique que
nous avons de nous-mêmes : il explique ailleurs (dans :
« Against Narrativity ») que la fameuse identité narrative n'est
qu'une reconstruction littéraire arbitraire, puisque l'autobiographie n'est pas
la forme canonique de l'identité, et que le récit classique n'est pas la forme
unique de la narration. En réalité, nous ne cessons de changer, et c'est
l'identité qui est une fiction. Il faut donc se contenter de ces sujets minces
qui ne correspondent qu'au fait de savoir « qu'on est l'expérience qu'on a ».
Strawson rappelle d'ailleurs que Hume ne rejetait pas l'existence du sujet de
l'expérience, mais simplement celle de sa preuve – de la même manière qu'il ne
prétendait pas faire du bundle la réalité ultime du moi, mais plutôt la
seule chose qu'on en pouvait savoir. Strawson rend donc positif le doute
de Hume : le moi est bien en fait cette série d'expériences
à quoi Hume réduisait la connaissance qu'on pouvait en avoir.
Toutefois,
la conception du moi à laquelle on parvient n'est elle pas une conception
exclusivement phénoménale ? Chez Strawson, le moi manque de profondeur
ontique, mais c'est encore un objet « physique ». Barry Dainton,
dans : The Phenomenal Self, va un peu plus loin encore que
Strawson, pour faire du moi une pure expérience, qui n'a aucune dimension
spatiale (à l'exemple de la co-conscience qu'on rencontre dans l'écoute
binaurale, ou dans les sujets divisés de l'expérience chez Parfit), ni aucun
privilège épistémique, qui ferait de la conscience une tour de contrôle
impassible et séparée de ses propres états de conscience. Dainton défend donc
une « conception simple » de la conscience, qui équivaut
métaphysiquement à ses propriétés phénoménales, ni plus ni moins : ces
propriétés épuisent toutes les expériences conscientes. Il définit par
ailleurs les contenus phénoménaux conscients par les trois caractéristiques
suivantes : 1) Ils sont auto-révélateurs : on sait qu'on les a sans
qu'une faculté consciente séparée soit rendue nécessaire. Ils ne se révèlent
pas à un moi : ils sont auto-révélés ; 2) Ils sont
auto-constituants : « ce que ça fait d'être un moi » est
intégralement explicable par le caractère phénoménal des contenus de
l'expérience. Le moi est réduit à ses expériences ; 3) Ils sont
auto-unifiants : l'unité du moi n'est ni spatiale ni introspective.
L'unité n'est que « le produit des relations de co-conscience entre ses
parties constitutives ». Il y a une intimité vécue, mais qu'on ne peut
approfondir. On se trouve donc face à un seul état empirique, dont les parties
sont intégralement et mutuellement co-conscientes.
Mais
la mariée est peut-être un peu trop belle, dans la mesure où, si le moi
persiste comme phénomène mais n'existe pas comme entité, sa justification
ontologique reste à produire. D'où la thèse d'un moi ou d'une personne émergents,
c'est-à-dire dépendants d'une entité substantielle dont ils se distinguent
pourtant, et à laquelle ils ne se réduisent pas (l'émergence est un
anti-réductionnisme). Pour Janos Szentagothai, par exemple, l'émergence est le
nom donné à l'organisation du système nerveux central au cours de son évolution
(« The « Brain-Mind » Relation : A
Pseudoproblem ? »). Cette auto-organisation des systèmes neuronaux a
connu plusieurs étapes au cours de l'évolution biologique : la centralisation
neuronale, la domination céphalique et la corticalisation ont joué le rôle de
principes opérationnels successifs. Mais quelle est
l' « information » qui s'auto-organise, et comment éviter
l'hypothèse d'un esprit séparé ? Szentagothai fait une hypothèse différente :
il envisage le « niveau réflexif » comme la fonction globale du
système nerveux central, qui a la fois émerge et rétroagit. Il s'agit de
quelque chose comme une fonction auto-organisatrice globale du système nerveux
central, capable de rétro-causalité sur le matériel neuronal dont elle a
émergé. Mais l'émergence est un phénomène qui a le défaut de mettre un nom sur
un écart obscur sans l'éclairer vraiment, ou de décrire une genèse sans
justifier son produit : elle conjure son objet au lieu de l'élucider.
3/
Personnes vides
Le
problème de fond, que Siderits a très bien mis en lumière dans son ouvrage
sous-titré : Empty Persons, est le suivant : les
personnes ont-elles une nature intrinsèque – fût-elle dérivée de la nature
intrinsèque de ses constituants ultimes ? Pour le nihilisme de la
personne, tel que la métaphysique contemporaine le conçoit, à partir du
nihilisme méréologique (selon lequel les sommes méréologiques n'existent pas,
mais seuls existent les simples), les personnes n'existent pas en tant que
telles – mais leurs constituants ultimes existent bel et bien.
Peter
Unger a souscrit à cette conception, du moins dans un article intitulé :
« I Do Not Exist », renié par la suite. Il y rappelle que les
paradoxes sorites de la décomposition et de l'accumulation peuvent encore
servir à montrer qu'il n'est pas possible d'attribuer à un objet matériel une
existence déterminée. Il faudrait donc se contenter d'un univers vague – ou
d'un univers miraculeux, capable de maintenir à chaque instant chaque chose à
l'identique, alors qu'elle n'est déjà plus la même. Il n'y a donc, à
strictement parler, que des particules élémentaires, et il faut éliminer objets
et personnes de nos ontologies.
La
question qui se pose alors immédiatement est celle de savoir si les particules
élémentaires, à leur tour, existent véritablement, ou ont une nature
intrinsèque. De ce point de vue, la métaphysique naturalisée de James Ladyman
et Don Ross (exposée dans : Every Thing Must Go), comme
l'anti-réalisme global de la branche dure du bouddhisme (selon Siderits)
répondent unanimement : non. Il n'y a pas de petites briques de
réel, dont le réel serait fait ; il n'y a pas de réalité ultime.
Une
autre question se pose aussi : qu'est-ce qui justifie, chez Peter van
Inwagen par exemple (Material Beings), le fait que certaines entités
seulement soient composées – en l'occurrence les organismes biologiques, et
donc aussi les personnes ? Selon Terence Horgan (« On What There
Isn't »), ce principe de composition est arbitraire : van Inwagen ne
semble pas capable de dire pourquoi tel ensemble de simples constitue un
organisme, et pas tel autre ; autrement dit, pourquoi la vie s'applique à
cet ensemble de particules et pas à cet autre – puisque par hypothèse, une
multitude d'ensembles de particules le chevauche en partie. A en croire Horgan,
ce problème du multiple fait trébucher van Inwagen, jusqu'à l'entraîner dans le
nihilisme méréologique le plus strict, si du moins il était cohérent avec
lui-même : au fond, seuls les simples peuvent exister, si on ne reconnaît
que les simples, même en ajoutant une règle d'exception pour les organismes
biologiques. La règle de composition spéciale serait en quelque sorte une
théorie ad hoc injustifiable dans le propre cadre théorique de
van Inwagen.
S'il
faut se résoudre à la négation de la personne ou du moi, quelle est la portée
de cette négation, et l'inexistence des personnes a t'elle la même
signification dans tous les cas ? Dans : « The No-Self
Alternative », Thomas Metzinger distingue plusieurs formes de
l'anti-réalisme du moi : 1) L'anti-réalisme ontologique du moi correspond
à la thèse selon laquelle le moi n'est pas une substance, que ce soit pour la
méthode phénoménologique (qui se concentre sur le phénomène de la conscience),
pour le nihilisme ontologique (selon lequel aucune substance n'existe), ou pour
la métaphysique naturalisée (qui ne reconnaît que des structures et des
relations) ; 2) L'anti-réalisme épistémique du moi correspond à la thèse
selon laquelle le moi est bien une substance, mais d'une nature spéciale et
inconnaissable ; 3) L'anti-réalisme méthodologique du moi correspond à la
thèse selon laquelle le moi est un hypothèse superflue, dont il vaut mieux
faire l'économie dans la recherche scientifique : 4) L'anti-réalisme sémantique
du moi correspond à la thèse selon laquelle « Je » est un indexical
qui ne réfère à aucune entité ultime. Pour Metzinger, le moi est plutôt une
intuition qui procède d'une routine conceptuelle, et d'une caractéristique de
notre architecture mentale générée par l'évolution. Il propose, dans : The
Ego Tunnel. The Science of the Mind and the Myth of the Self, un modèle du
moi analogue à un programme de réalité virtuelle : un sorte de tunnel,
ou d'ego-machine, défini comme « un système physique auto-organisé
et auto-entretenu, capable de se représenter lui-même en vertu d'une
disponibilité constitutive ». Nous sommes, dit-il, des systèmes
« moinant » (selfing), capables de produire un moi,
c'est-à-dire de se rendre présents à eux-mêmes, sans qu'il faille y voir autre chose
que « l'auto-organisation dynamique d'une structure cohérente toujours
nouvelle ».
Siderits
fait quant à lui la différence entre le réductionnisme parfitien ou bouddhiste,
et l'anti-réalisme bouddhiste global. Dans le premier cas, la personne est une
convention utile, et le moi, qui se réduit ultimement à des agrégats physiques
et mentaux, n'est pas quelque chose de séparé de ces agrégats, mais s'en
distingue néanmoins, au moins dans nos façons de parler et nos façons de
nous comporter (lorsque nous faisons des projets, prenons des initiatives, et
pensons que la vie que nous menons est la nôtre). Parfit recommande néanmoins
la révision de nos concepts, et Siderits attribue au réductionnisme bouddhiste
la pratique d'un « engagement ironique ». Pour l'anti-réalisme
global, par contre, il n'y a pas d'agrégats ultimes : rien n'a de nature
intrinsèque et tout est vide. Il ne reste que le silence et la nécessité de
prévenir la souffrance, du moins pour ces moines qui renoncent au Nirvana afin
de se consacrer aux autres : les bodhisattvas.
Mais
même l'anti-réalisme bouddhiste global peut vouloir conserver un dualisme
sémantique, qui permet d'employer le terme de personne à titre conventionnel.
Il faut à la fois faire comme si nous étions des personnes (puisque
cela, à tout prendre, nous permet de vivre des vies plus riches et plus
gratifiantes que dans le cas inverse), tout en prenant soin de ne pas nous
prendre vraiment pour des personnes – car naît alors un autre type de
souffrance. Il s'agit de la souffrance provoquée par la perspective de notre
propre disparition comme être séparé, existant en soi et par soi.
L'anticipation de la mort, qui, de notre point de vue, met fatalement un terme
à nos projets, ne peut manquer de nous faire profondément souffrir.
Les
conventions linguistiques et historiques dont la personne fait partie sont
socialement héritées, et peuvent être expliquées par la théorie de
l'évolution : les sociétés qui ont formé et développé le concept de
personne ont survécu, contrairement aux autres (ce qui expliquerait d'ailleurs
l'universalité du concept de personne, dont la prévalence ne serait pas due à
une propagation depuis un centre unique, suivie d'une osmose, mais à une
concomitance suivie d'une fusion). La réflexivité, de son côté, correspondrait
à l'état d'un agrégat d'événements psychophysiques, capable, l'instant d'après,
d'être dans un état différent : on évite ainsi tout à la fois le dualisme
corps/esprit et la dichotomie sujet/objet. La « conscience de soi »
serait de la même façon une collection d'images éphémères, à laquelle nous nous
identifierions pour des raisons pratiques. Cette identification devrait rester
distanciée et « ironique ». Car si nous nous y identifions vraiment,
l'illusion d'être un moi prend forme, et il convient alors d'en faire la
généalogie pour la détruire et s'en libérer. Cette illusion référentielle, dont
parlait déjà Nietzsche en dénonçant la fiction grammaticale du Je, est générée
par le langage. Mais elle est aussi, comme le rappelle James Giles, dans :
No Self to be Found, un produit de l'imagination et de la passion :
chez Hume, la première génère le moi, et la seconde l'image de soi.
C'est-à-dire qu'en réfléchissant à la succession de mes idées, j'imagine un moi
stable et permanent, et quand je pense me découvrir moi-même à travers
certaines émotions, qui ne sont que des projections sur des objets, je me forge
une certaine image de moi.
Toutefois,
éconduire ainsi le moi, suppose, selon Dan Zahavi, un bonne dose de mauvaise
foi (« The Experiential Self : Objections and Clarifications »).
D'après lui, on invente un moi-repoussoir, un moi-épouvantail, pour justifier
le caractère impossible ou indésirable de son existence. Mais ce moi
« clos et séparé du monde » dont on veut nous délivrer, n'épuise pas,
loin s'en faut, toutes les théories du moi – dont certaines sont
« écologiques, expérimentales, dialogiques, narratives, relationnelles
corporelles et sociales ». Le véritable adversaire des contempteurs du moi
est en fait une certaine théorie du moi. Zahavi propose donc un moi
expérimental, qui ne correspond pas au sujet classique, mais à la
subjectivité de l'expérience, dans une perspective phénoménologique. Il
rappelle que le nihilisme du moi, dans le bouddhisme, est inféodé à l'ambition
de nous détacher du monde, dans une perspective sotériologique : faire
cesser la souffrance, dont la nature intrinsèque ou la réalité impersonnelle
doit être reconnue d'une façon ou d'une autre. Cet horizon est donc très
différent de la réhabilitation phénoménologique de l'être-dans-le-monde – un
projet qui lui paraît beaucoup plus digne d'être poursuivi.
Conclusion
Ces
« personnes vides » que le bouddhisme « radical » esquisse,
à la faveur d'une forme ultime de nihilisme ontologique, ou d'un anti-réalisme
global, sont-elles compatibles avec les caractéristiques générales de la
personne : le souci de soi, l'agentivité libre, la responsabilité ?
Siderits estime que la chose est possible, quoique toutes les activités
sociales prennent un tour « ironique ». Les personnes sont comme des
acteurs à qui on demande de prendre leur rôle au sérieux – ce qu'elles font en
général, car c'est encore ainsi qu'elles sont le moins malheureuses, et
contribuent le plus efficacement au bien commun. Le bouddhisme recommande
simplement aux acteurs du moi de se rappeler que ce ne sont que des acteurs.
Chez Shakespeare aussi, le fou est là pour rappeler au roi qu'il est fou, et
que sa folie est de se croire roi. Mais comment la joie de vivre peut-elle
naître du constat de notre propre néant et de la vacuité générale de
l'être ? Les bouddhistes ne sont, à en croire Siderits, ni déçus ni
attristés par cette vérité. Constater que tout est vide ne peut décevoir que
ceux qui s'attendaient à y trouver du plein : cette vérité négative ne
peut désespérer que ceux qui jugent légitime d'obtenir une vérité positive.
Car, conclut-il, si la nature des personnes est d'être vide, et si leur essence
est de n'en avoir pas, il y a peut-être une joie à se sentir « dérivé »
de ce qu'on est essentiellement, à devenir ce qu'on est tout en rejoignant
le vide, qui est tout ce qu'il y a – à être une personne vide.